George GERSHWIN
1898-1937

Préparation aux Lyriades 2000

 

 

Né dans les quartiers pauvres de New York, George Gershwin devint célèbre grâce a son oeuvre qui comporte à la fois des " songs " écrits pour Broadway et des oeuvres concertantes plus sérieuses. Son ascension sociale est typique de la société américaine du début du XX° siècle. Il a tenté-et en partie réussi-une synthèse heureuse et fertile entre le " jazz " et le " classique ".

 

Les étapes d'une vie prodigieuse
Broadway
Les salles de concerts
Les succès a l'étranger
Porgy and Bess
Le retour a Hollywood

 

 

Les étapes d'une vie prodigieuse

Les parents de Gershwin,Rosa et Moise Gershwitz étaient des juifs russes originaires de Saint Petersbourg. Ils arrivèrent à New York en 1891 ; leur nom s'américanisa en Gershwin puis Gershwin. Ils eurent d'abord un fils Israël surnommé Ira puis un second qu'ils appelèrent d'abord Jacob puis George né en 1898 le 26 septembre.
En 1910 la mère du compositeur acheta un piano pour son fils aîné Ira, l'enfant studieux de la famille. George y prit goût rapidement et en cachette il jouait des airs populaires.
Sans que sa famille l'ait soupçonné, il s'était intéressé à la musique grâce à un récital qui avait été donné par les enfants de son école, et à l'un des jeunes interprètes, Maxie Rozenzweig (le futur Max Rosen) qui jouait de l'alto. Enthousiasmé par le timbre de cet instrument, il s'enquit de l'identité du jeune homme et réussit à faire sa connaissance. Leur goût commun pour la musique devint vite le ciment d'une grande amitié.
George était exceptionnellement doué pour le piano et ses parents bien que pauvres lui firent donner des leçons. Après avoir eu plusieurs professeurs médiocres, il eut la chance de rencontrer Charles Hambizer, en 1912, aussi bon musicien que pédagogue. Celui ci remarqua le talent du jeune garçon et voulut bien se charger de son enseignement musical.

Très intéressé par les études classiques ainsi que par celles des compositeurs modernes, Gershwin voulut un moment devenir pianiste de concert. Malgré son peu de goût pour les études, ses parents tentèrent cependant de lui faire apprendre un véritable métier et l'inscrivirent dans une école de comptabilité.Lorsqu'il eut quinze ans en 1914, Gershwin persuada sa mère de lui laisser quitter l'école et d'entrer au service de Remick's l'éditeur musical de Tin Pan Alley afin de " vendre " des chansons populaires. Tin Pan Alley, on pense que ce nom vient du timbre " tinny " (fêlé, grêle) du piano de l'époque , était alors le quartier général des musiciens et compositeurs de musique populaire à New York. Ce fut une étape importante dans la vie de Gershwin car elle lui permit de se familiariser véritablement avec la musique populaire de l'époque.

Gershwin touchait au début quinze dollars par semaine. Son travail était dur et ses journées longues ;la plupart du temps il devait jouer du piano dans une petite cabine soit pour accompagner des chanteurs amateurs soit pour présenter les dernières chansons de Remicks's a des pianistes de bar. Un travail purement utilitaire. Ce travail peu gratifiant lui permit cependant d'acquérir une grande habilité et de perfectionner son style. Très vite il eut un certain succès et se fit une véritable clientèle. L'éditeur lui demanda alors de faire graver ses improvisations sur des rouleaux de piano mécanique, ce qu'il fit pour celui ci ainsi que pour d'autres éditeurs pendant un certain nombre d'années afin d'arrondir son salaire.
Un jour Gershwin décida de faire éditer ses propres chansons :malheureusement la maison Remick's ne souhaitait pas que son excellent pianiste-démonstrateur-vendeur de musique ne deviennent lui même auteur-compositeur.En 1917 plusieurs chansons furent éditer par d'autres éditeurs de Tin Pan Alley.Alors Remick's se décida a publier une chanson qui obtint un grand succès dans le style Ragtime " Rialto Ripples composée en collaboration avec Will Donaldson.
Peu après Gershwin décida de tenter sa chance à Broadway. Sur cette période de sa vie, il écrivit plus tard : " ce travail m'usait les nerfs. Je finissait par ne plus aimer les airs de ces chansons populaires…Grâce au compositeur Jérôme Kern, je me rendis compte que ce type de musique était le plus souvent de piètre qualité et que la comédie musicale valait mieux. "

 

 

Broadway
C'est dans cet état d'esprit que Gershwin quitta la maison d'édition Rimick's en mars 1917 pour tenter de se faire une place dans le monde de la comédie musicale.
Il trouva rapidement un emploi d'accompagnateur pour de petits spectacles, qui se soldèrent partout par des désastres financiers pour les producteurs. Ces échecs ne semblèrent pas affecter Gershwin ; grâce a ces shows il put en effet rencontrer quantité de personnes et faire valoir ses capacités. Son talent d'improvisation au piano conjugué avec son caractère ouvert et confiant lui valu une certaine popularité partout ou il travailla.

Tout Broadway en vint a connaître Gershwin. Le directeur de la maison d'édition Harms, Max Dreyfus, réputé pour découvrir les auteurs compositeurs de talent, s'intéresse alors à lui .En février 1918 il fit signer au compositeur un contrat au terme duquel il offrait 35 dollars par semaine pour écrire de chansons. Ce fut cette année là qu'il composa pour Dreyfuss sa première chanson en collaboration avec son frère Ira " The real américan folk song ". Elle fut donnée dans une revue musicale dés 1918 mais ce n'est que 40 ans plus tard qu'elle fut édité après qu'Ella Fitzgerald l'eut enregistré. Tout en composant pour Dreyfuss Gershwin continua de travailler a diverses productions et certaines de ses songs furent acceptées pour des comédies musicales. Il comprit cependant que seuls ceux qui composaient l'intégralité de la musique d'un spectacle gagnaient correctement leur vie.

L'année 1919 fut marquée par deux faits importants pour Gershwin ; c'est l'année ou Broadway créa sa première œuvre complète " Lala Lucile " et ou l'un de ses songs " Swanee " devint célèbre. La revue, a première des productions de Alex Aarons qui créera plus tard de nombreuses œuvres a succès de Gershwin, ne fut cependant pas très bien reçue. Swanee dont la musique n'était pas très caractéristique de Gershwin fut lancée par le compositeur et le parolier Irving Caesar pour " monnayer " le succès d'un morceau intitulé Hindustan. Il passa totalement inaperçu lorsqu'il fut chanté au cours du spectacle intitulé " Capitole Review " ; le chanteur Al Jolson l'entendit plus tard joué par Gershwin lui même et décida de l'inclure dans son spectacle " Sinbad " : ce fut alors un grand succès sans doute le plus grand de tous les songs du compositeur.Jolson l'enregistra en 1920 et vendit plusieurs millions de disques ce qui accrut les ventes de partitions.
De naturel exubérant et optimiste en public, Gershwin connaissait des moments d'anxiété et de dépression à cause sans doute de son travail et de sa carrière.
Cette anxiété se traduisit par de troubles qu'il décrivit lui même comme une " maladie d'estomac de compositeur ". Sa santé devint une véritable obsession et s'astreignit au régime alimentaire les plus sérieux. Après le succès de Swannee, le compositeur gravit rapidement les échelons de la gloire.C'est également en 1920 que lui fut commandé la musique de la seconde revue musicale George White's Scandals, rivale de spectaculaire Ziegfeld Folies de Florenz Ziegfield, qui avait remporté un immense succès a broadway.Le compositeur devait être l'auteur de quatre autres de ces revues musicales.
Pendant ces quelques années Gershwin travailla pour la revue Georges White Scandals, y participa également a d'autres productions pour broadway. En 1923, il se rendit en Angleterre pour la première fois pour y donner sa revue " Th raimbow ".Ce ne fut pas véritablement un triomphe mais il s'éprit de Londres et de londoniens, et réciproquement.

 

 

Les salles de concerts

Gershwin était désormais considéré comme un professionnel de revues musicales, mais il n'avait enregistré aucun succès important a Broadway depuis celui de " Swanee ".Il se tourna alors vers le théâtre et aussi vers le concert. En novembre 1923 il accompagna au piano la soprano canadienne Eva Gautier dans un programme intitulé " Recital for ancient et modern music for voice ", et remporta un immense succès. Max Jaffee accompagna les œuvres du répertoire classique et Gershwin celle du répertoire de musique américaine moderne, parmi lesquelles figuraient d'ailleurs deux songs de sa composition. Cette partie du récital fut un véritable triomphe et consacra Gershwin comme compositeur et interpréte.C'est ainsi que le jazz fit alors son entrée dans les salles de concert.

Les efforts de Gershwin pour associer le jazz et la chanson populaire et réconcilier la musique populaire avec les salles de concert furent enfin récompensés en 1924, par l'éclatant succès de " Rhapsodie in blues " "une œuvre concertante écrite dans un esprit très " jazz ".
Ce succès vient confirmer s'il le fallait encore que Gershwin était a la fois un interprète et un compositeur a part entiére.Porté par cette considération il s'attela alors a son nouveau projet de revue pour Broadway " Lady be good ! ",avec Fred et Adèle Astaire. Dés sa première en novembre, la revue fut saluée par un grand enthousiasme et plusieurs de ses songs restent parmi les plus célébrés du compositeur. C'était également la première revue composée exclusivement par Gershwin et son frère Ira. Tout deux avaient déjà travaillés ensembles mais Ira, qui était d'un naturel plus réservé que son frère, avait jusque là écrit sous un pseudonyme Sans doute aussi n'avait il pas voulu se servir du nom de son frère pour se faire connaître.C'est aussi au début de cette année là que Gershwin se rendit de nouveau à Londres pour y présenter sa revue " Primrose " qui fut elle aussi un grand succès.

L'année 1925 connue également deux grands succès son " Concerto en Fa " et sa revue " Tip-toe "s écrite avec son frère .A partir de cette date et jusqu'au début de la crise de 1929 alla de succès en succès : " Oh Kay ! " en 1926 " Funny Face " en 1927 et " Rosalie " en 1928.
Cette année là il quitta la grande maison qu'il avait achetée plusieurs années auparavant pour sa famille et s'installa en célibataire dans un appartement. En 1927 son cousin et ami Henry Botkin l'initia a l'aquarelle et l'aida également a se constituer une importante collection de peinture moderne. Il faut dire qu'enfant déjà,Gershwin avait fait beaucoup de dessins et de caricatures.

 

 

Les succès a l'étranger

La tournée qu'il entreprit en Europe en 1928, le consacra sur le plan international : il fut fêté et acclamé à Londres à Paris et même à Vienne ou il fit la connaissance du compositeur Alban Berg qui devient son ami.C'est lors de son séjour à Paris que Gershwin eut l'idée de ce poème symphonique " Un américain a Paris " qu'il commença dés son retour. " mon propos est de présenter les impressions d'un américain visitant Paris tandis qu'il se promène dans la ville prête attention aux bruits des rues et s'imprègne d'ambiance parisienne. Je n'ai nullement tenté d'évoquer des scènes déterminées. Chaque auditeur peut y trouver les épisodes que son imagination lui suggère. "
L'orchestration fut achevée vers la fin de l'année et la création eut lieu le 13 décembre 1928 à Carnégie Hall.
Pendant la réception qui se déroula après le concert, Gershwin fut consacré chef de la nouvelle école. La grande crise de 1929 n'eut pas d'effet direct sur la vie et la carrière de Gershwin au début du moins.
Il était en effet considéré comme un héros national. Sa situation financière était solide et ses succès se succédaient a une cadence rapide. En 1930 le compositeur et son frère Israël faisaient leur entrée à Hollywood ; quatre mois durant ils travaillèrent a la musique d'un long métrage d'assez mauvaise qualité " Delicious ",pour une somme de 100 000 dollars pour 50 000 dollars supplémentaires George autorisa également le producteur du film " The Paul Whitmann Story " à reprendre les airs de sa " Rhapsodie in Blue " .
A Hollywood lorsqu'il ne composait pas il jouait ai golf allait a de réception ou sortait avec de artistes.
De retour à New York Gershwin composa sa seconde Rhapsodie pour piano et orchestre ; le compositeur avait longtemps espéré que Toscanini en dirigerait la " première " mais celle ci n'eut finalement lieu qu'en 1932 sous la baguette de Kussewitzky, avec l'orchestre Symphonique de Boston et le compositeur lui même au piano : ce fut un véritable triomphe. Cependant bien qu'il n'ait pas souffert de la crise la chance sembla tourner. En 1933 il écrivit avec son frère la musique d'une médiocre revue " Pardon My English " qui n'eut aucun succès. Cet échec ne sembla pas marquer le compositeur ; au même moment il quittait son appartement pour un autre beaucoup plus spacieux et plus luxueux.

 

 

 

Porgy and Bess

 

Bien que Broadway ait dans l'ensemble beaucoup souffert de la crise, le prestige de Gershwin avait jusqu'alors réussit a remplir les salles ou l'on donnait ses revues. A L'automne 1933 il subit un nouvel échec avec " Let'm eat cake ",la suite de " Of thee I sing ",qui resta peu de temps a l'affiche malgré une très belle musique. Cette série d'échecs même si elle n'eut pas de graves conséquences financières compromit sans doute l'équilibre du compositeur et l'incita a commencer une psychanalyse avec le docteur Gregory Zilboorg en 1934.

Sa puissance créatrice ne souffrit cependant pas de son état. En 1939 il commença son opéra " Porgy and Bess " auquel il songeait depuis longtemps avec l'écrivain Edwin Du Bose Heyward auteur du roman Porgy. Pour travailler dans les meilleures conditions Gershwin choisi de s'isoler du monde avec Heyward et Ira qui collabora avec eux pour le texte. Ils partirent sur une île et l'isolement fut propice au compositeur puisque lorsqu'il revint à New York, à l'automne 1934, la plus grande partie de l'opéra est prête.

Il continua d'y travailler et en janvier 1935 il achevait l'orchestration à temps pour la " première " prévue à Boston pour le mois de septembre 1935. Dés sa création à Boston puis après celle de New York en octobre, ce long opéra fut très critiqué, malgré l'énorme succès public. Le critique du New York Post résuma assez bien l'opinion générale en écrivant que l'opéra était " un hybride oscillant constamment entre le drame musical, la comédie musicale et l'opérette. Il contient de nombreux songs a succès mais ceux-ci sont comme plaqués et trop éloignés de l'intrigue elle même pour que l'on puisse les considérer comme appartenant véritablement à un drame musical. "
Répondant aux critiques Gershwin répliqua que " Porgy and Bess " était un opéra " populaire " écrit dans un style nouveau fidèle aux traditions culturelles du peuple qu'il voulait peindre.
De toute façon l'opéra de Gershwin et de Heyward ne devait connaître le succès à Broadway qu'en 1942 cinq ans après la mort du compositeur et dans une version fortement remaniée.
Cependant bien que les songs comme Summertime soient devenues très populaires et que leurs partitions se soient très bien vendues c'était le troisième échec consécutif du compositeur sur scène. C'est sans doute ce troisième échec qui poussa Gershwin et son frère a tenter de nouveau leur chance à Hollywood les 9 et 10 juillet 1936, le compositeur donna deux récitals au Lewishon Stadium de New -York ; le programme ne comportait que des airs de Gershwin lui même. Ce fut la dernière fois qu'il apparut en public dans sa ville natale.

 

 

Le retour a Hollywood

Le second séjour des deux frères a Hollywood fut un véritable succès tant sur le plan professionnel que financier ; ils composèrent deux très belles musiques de films " Shall we dance " et " Damsell in distress " dont la vedette était Fred Astaire.
En dehors de son travail le compositeur continuait de mener une vie agitée et désordonnée et remportait toujours autant de succès féminins. Il eut même quelques liaisons plus sérieuses, l'une d'elles avec l'actrice Simone Simon. Au début de 1937 il composa avec son frère la musique d'un troisième film " Goldwyn Folies ", et s'éprit de Paulette Goddard, Une amie de Charlie Chaplin.
Il fut toutefois profondément mortifié lorsque celle-ci lui préféra finalement Chaplin qui l'épousa.

Bien que de robuste constitution il avait de temps a autre souffert de troubles divers .
En juin 1937 ses étourdissements et maux de têtes persistèrent plus que de coutume.
Comme les médecins ne purent trouver d'où venait le mal il imputa ces troubles au surmenage et continua de mener une vie normale, refusant toute fois de se soumettre a des examens qui auraient pu permettre de déceler la tumeur au cerveau dont il souffrait. Le mois suivant ses maux s'intensifièrent et le 9 juillet 1937 après une longue période de faiblesse il tomba dans le coma.
Un diagnostic médical confirma la thèse de la tumeur et l'on décida d'opérer d'urgence le malade. Le 11 juin après l'opération le compositeur mourrait sans avoir reprit connaissance. Il avait 39 ans.

Les américains témoignèrent leur admiration pour Gershwin en organisant deux gigantesques cérémonies funèbres le 15 juillet 1937 l'une à New York et l'autre à Hollywood.

 

Dossier préparé par Guy Verdier