Monajat Yultchieva
et l'art musical Ouzbek
Châteauvallon invite le 10 juillet une de plus grandes chanteuses soufi Monajat Yultchieva dans un concert exceptionnel. C'est l'occasion pour les mélomanes de découvrir ou de redécouvrir les secrets d'un art musical d'une extraordinaire profondeur.
Présentation à la FNAC de Toulon le Mardi 22 juin 17 h 45 par Guy Verdier.
L'Ouzbekistan généralités |
L'Ouzbékistan est un pays continental ne disposant d'aucun débouché sur une mer ouverte. Il est presque entièrement dans la cuvette ouralo-caspienne dénommée aussi dépression touranienne par les géographes. Une steppe semi-aride et aride et le désert couvrent les quatre cinquièmes de son territoire. Le Centre-Nord est occupé par le Kyzylkoum (littéralement "!sables rouges!"), l'un des plus grands déserts du monde. Les sommets des chaînes montagneuses du Tian shan et du Pamir s'élèvent à l'est, culminant à 4 643 m. C'est à leur pied, dans la zone de piémont, dans laquelle est située la capitale et qui abrite également la cuvette d'effondrement du Fergana qui est une gigantesque "!limagne!" trouant le système alpin du Pamir, que se trouve la région la plus fertile du pays. On y trouve toutes les semi-oasis : Zerafchan (région de Boukhara et de Samarkand), Tedjen, Mourgat. Les séismes tels que celui qui partiellement détruit Tachkent en 1966 peuvent être fréquents dans la région.
Les deux plus grands fleuves, l'Amou-Daria (2 620 km) et le Syr-Daria (3 019 km), se jettent dans la mer d'Aral. Ils sont essentiels à la survie du pays. L'Amou-Daria forme au sud la frontière avec l'Afghanistan, irrigue la région de Khiva avant de rejoindre la mer d'Aral par un delta long de 160 km. Le Syr-Daria, au nord, ne traverse le pays que dans la région de Tachkent et du Fergana. Leur utilisation intensive pour l'irrigation du pays et de ses deux voisins du Kazakhstan et du Turkménistan, a provoqué une baisse considérable du niveau des eaux de la mer d'Aral fermée et peu profonde, dont la superficie est passée de 66 000 à 40 000 km2 entre 1957 et 1989. La pêche a dû être abandonnée tout comme les activités portuaires. Les réseaux de canaux, tels que ceux de l'Amou-Boukhara, du Karchi, de la steppe Golodnaya du Sud ou encore du Fergana, ont profondément modifié les schémas d'écoulement des eaux. Grâce à ces infrastructures, le pays possède de nombreux lacs et réservoirs artificiels, comme le lac Ajdarkul alimenté par le ruissellement des eaux d'irrigation.
Climat |
Le climat est de type continental aride avec une forte amplitude thermique. Les températures moyennes du mois de janvier oscillent entre -!6!° et 20!°C et celles de juillet entre 26!° et 32!°C. Les précipitations sont rares, la moyenne annuelle variant de 150 à 200 mm!; l'irrigation est donc nécessaire pour les cultures, sauf au pied des montagnes, mieux arrosées.
Flore et faune |
La steppe aride n'offre pas de végétation continue. La couverture végétale est limitée. L'absinthe, le chiendent de Sibérie, l'uvelle et un arbuste, le saxaoul, poussent dans la steppe. Les piémonts du Pamir et du Tian Shan sont en revanche beaucoup mieux lotis!; ils sont recouverts par des lss très fertiles déposés par les vents. Il existe en Ouzbékistan une faune assez variée : parmi les animaux du désert, on trouve notamment une espèce rare, l'antilope saïga, et en montagne, le léopard des neiges.
Population |
Avec 23 209 000 habitants en 1996, l'Ouzbékistan est le pays
d'Asie centrale le plus peuplé. Les Ouzbeks, peuple de langue turque et de religion musulmane sunnite, constituent 76 p. 100 de la
population. Les Russes sont la minorité la plus importante avec
8,3 p. 100 de la population totale. Comme dans la plupart des
anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale, la minorité
russe a diminué ces dernières années, en raison du retour des
Russes en Russie. Les Tadjiks (4,7 p. 100) et les Kazakhs (4,1 p.
100) représentent les deux principales autres minorités!;
viennent ensuite les Tatars, les Karakalpaks (400 000), des
pasteurs nomades depuis longtemps sédentarisés, les Kirghizs,
les Ukrainiens, les Turkmènes, les Turcs meskhètes, les Kurdes
et les Meskhines qui vivaient en Géorgie et ont été déportés
sur l'ordre de Staline en novembre 1944!; de confession chiite, ceux-ci ont été victimes de
violents pogroms en 1989. L'essentiel de la minorité russe vit
à Tachkent et dans les autres centres industriels. Les Tadjiks
sont concentrés dans les cités historiques de Boukhara et de Samarkand.
Les Karakalpaks résident principalement dans la république
autonome de Karakalpakie.
L'Ouzbékistan reste un pays rural dont la population urbaine
représente seulement 40 p. 100 de la population totale. La
capitale, Tachkent (2 094 000 habitants en 1991), est la plus
grande ville d'Asie centrale. Les autres villes importantes sont
Samarkand (388 000 habitants), Namangan (312 000 habitants),
Andijan (297 000 habitants) et Boukhara (228 000 habitants). Sur
le plan administratif, le pays est divisé en douze régions.
L'Ouzbékistan est soumis à des conditions sanitaires difficiles
: le désastre écologique que constitue l'assèchement de la mer
d'Aral et la baisse de la qualité et de la quantité d'eau
potable ont ainsi contribué à détériorer la santé de la
population du pays. Cependant, en dépit d'une réapparition des
maladies infectieuses et d'une mortalité infantile élevée,
l'espérance de vie moyenne atteint soixante-cinq ans.
Avec plus de 20 millions d'habitants et une superficie de 447
400 kilomètres carrés, l'Ouzbékistan est le poids lourd de
l'Asie centrale. Sans le dire explicitement, Tachkent reprend le
flambeau de l'émirat de Boukhara, qui a dominé du XVIe au XIXe
siècle la plus grande partie du territoire actuel de
l'Ouzbékistan, du Turkménistan et du Tadjikistan. La politique
d'indépendance s'est jouée sur un registre très large allant
du symbolique au stratégique. Sur le plan du symbolique, on
récupère le passé glorieux de l'Asie centrale en y trouvant
les mythes fondateurs de la nouvelle république: la statue de
Karl Marx est remplacée par celle de Tamerlan (sept. 1993),
fondateur à la fin du XIVe siècle d'un empire allant d'Ankara
à la frontière de Chine. L'empereur Babour, né dans le
Fergana, est aussi un héros national, tandis que Rachidov est
réhabilité. La légitimité du régime est avant tout fondée
sur un nationalisme ethnique. La loi sur la langue, très
rigoureuse, rend l'ouzbek obligatoire dans toutes la pratique
administrative, ce qui a eu pour effet d'ouzbékiser très
rapidement l'administration et l'université, cantonnant les
russophones dans quelques fonctions techniques sans influence
politique. La double nationalité est refusée malgré les
demandes pressantes de Moscou.
Sur le plan stratégique et militaire, Tachkent accepte la
présence des gardes-frontière russes, faute de forces
militaires suffisantes, mais réduit considérablement la
présence militaire russe sur son territoire (il ne resterait
qu'une base aérienne dans la vallée de la Fergana) et
"ouzbékise" les cadres militaires, même s'il y a
encore beaucoup d'officiers russes sous contrat.
Tachkent refuse avec constance de déléguer à la C.E.I tout
élément de souveraineté, à commencer par le militaire. Au
sommet de la C.E.I. de février 1995, Tachkent refuse (avec les
Turkmènes, les Azéris et les Ukrainiens) de signer un avenant
militaire contraignant.
Tachkent s'efforce aussi de développer une diplomatie régionale
autonome par rapport à Moscou. Si, en Afghanistan, il soutient
le général Doustom (un Ouzbek qui tient le centre-nord du pays)
pour mieux verrouiller de l'extérieur sa frontière, au
Tadjikistan, Tachkent, qui s'était d'abord allié à Moscou pour
chasser la coalition islamo-démocrate au pouvoir en 1992,
s'oppose depuis 1994 au gouvernement soutenu par les Russes et
tente à la fois de promouvoir les dirigeants de la province du
Nord (enclavée dans l'Ouzbékistan) et de reprendre langue avec
l'opposition islamo-démocrate, reçue officiellement à Tachkent
en avril 1995.
Tachkent s'est aussi efforcé de se rapprocher des États-Unis
après une période de tension, où Washington exerçait de
fortes et vaines pressions pour que l'opposition ouzbèke soit
autorisée. Ce rapprochement s'est traduit par l'approbation
inattendue des nouvelles sanctions américaines contre l'Iran
(mai 1995).
Les relations de l'Ouzbékistan avec les pays voisins sont
plutôt froides. Avec l'Iran, c'est la méfiance réciproque qui
règne. L'Ouzbékistan est aussi très critique à l'égard des
velléités panturquistes d'Ankara. Tachkent a protesté contre
l'asile accordé par la Turquie à Mohammad Saleh et a rappelé
ses boursiers de Turquie.
Le choix du nouvel alphabet montre bien comment Tachkent veut se positionner sur l'échiquier régional: le gouvernement a décidé d'adopter l'alphabet latin pour marquer son ancrage "européen", contre l'influence russe (alphabet cyrillique en vigueur) et l'influence venue du Moyen-Orient (l'Iran et les milieux musulmans incitant au retour de l'alphabet arabe). Mais cet alphabet latin diffère aussi sensiblement de l'alphabet turc: Tachkent veut clairement montrer qu'il ne cherche pas de nouveau grand frère.
Sur le plan intérieur, le président Karimov s'est efforcé avec succès de réduire l'opposition et de mettre en place un régime présidentiel autoritaire. Après l'élection présidentielle de 1991, les partis d'opposition Erk (Mohammad Saleh) et Birlik (les frères Poulatov) ont été interdits, leurs dirigeants arrêtés, jugés, puis libérés pour désamorcer la pression internationale. Les élections législatives de décembre 1994 (avec un deuxième tour en janvier 1995), très verrouillées par le gouvernement, se sont soldées par la victoire annoncée du Parti démocrate populaire d'Ouzbékistan (parti présidentiel), même si la présence d'une opposition officielle, le Parti du progrès de la patrie, permet de maintenir une apparence de pluripartisme. La véritable opposition a été mise dans l'impossibilité de participer au scrutin. Cependant, l'élection de ce nouveau Parlement est significative, car elle montre l'ouzbékisation de la vie politique: 86 p. 100 des députés sont d'origine ethnique ouzbèke, alors que le pourcentage des Ouzbeks dans la population se situe aux alentours de 75 p. 100. Dans la foulée des législatives, le gouvernement organisa un référendum pour prolonger le mandat du président jusqu'en 2000, ce qui fut fait.
Monajat Yultcbhieva et L'univers musical ouzbek |
L'Ouzbékistan qui a accédé a l'indépendance en 1991 posséde un riche patrimoine musical qui résulte de la rencontre des cultures, des populations iraniennes sédentaires et des nomades turcs. Cette culture musicale à survécu aux dominations russes et soviétiques. Sauta t elle survivre aux tentations du libéralisme ?La musique ouzbéke s'est protégée grâce aux cercles soufis, des groupes mystiques trés conservateurs qui ont sû préserver les beautés de cette musique rare et délicate.
La mémoire du passé est vivace en Ouzbékistan. Le gouvernement actuel s'inspire de l'épopée de Tamerlan mais aussi plonge ses racines jusqu'à Iskander c'est à dire jusqu'au grec Alexandre le Grand qui conquit la région il y a 2300 ans.
L'instrumentorium vient de l'héritage persan :la viele ghidjak, le luth târ ou dutar, le tambur, le sétah le rabab la cithare santour employés dans la musique savante. La musique rurale reste encore très proche de l'apport des turcs.
Parmi les grands morceaux du répertoire de Monajat il y a le Shash Maqam .C'est une des plus anciens systéme mélodique savants d'Asie Mineure.
Le Shash Maquam qu'interpréte Monajat Yulchieva est une des
plus belles musiques qui se puisse entendre. Il est constitué de
six modes qui sont divisés en une introduction instrumentale
suivie par une série de six chants accompagnés. Comme un
prélude et six variations en somme
Cet art était particulièrement riche à la cour de Boukhara peu
avant que les émirs musulmans ne l'interdise. Cet art du chant
cependant s'est transmis de génération en génération.
Les soviétiques ont tentés de fixer ces chants en écriture
occidentale.Ce fut une erreur qui " gela " quelque peu
l'inspiration des artistes ouzbékes. Pourtant il existait bien
une notation d'origine depuis la fin du XIX° siècle une
écriture de tablature " khoremzienne ".L'indépendance
a permis a de artistes de l'Ouzbékistan comme les joueurs de
luth Turgun Alimatov ou Shawquat Mirzaev ou la
chanteuse Monajat Yultchieva de créer leur propre style
en respectatnt les régles du Shash Maquam.
Les Instruments |
Le Dutar est un luth à long manche fabriqué en bois
de mûrier avec deux cordes pincées.
Le Tambur est un luth à long manche avec trois cordes en
métal,la mélodie est donnée par un plectre en métal sur la
corde haute.
Le Rubab est un luth à long manche avec un corps arrondi
et un plateau en parchemin.Il posséde cinq cordes (dont deux
doubles cordes en métal) frappées avec un plectre.
Le Gidjakk est un violon pointu au corps arrondi avec un
manche cylindrique relié à quatre cordes en acier.
L'Art du chant ouzbék |
" J'essaie de chanter avec mon cur pas avec ma
voix, mais avec les tourments de mon âme.. "
En 1990 Douchanbe capitale du Tadjikistan fêtait le 1400°
anniversaire de Barbad, l'inventeur du " Khoraswani
" le systéme modal commun aux musiques persane, tadjike et
ouzbeke en présentant les meilleurs artistes de la région.
Monajat Yultchieva avait alors étonné et conquis
l'auditoire par sa science des Maquams, les préludes modaux de
la musique savante,mais aussi par un contrôle extraordinaire de
sa voix et une émouvanyte façon de chanter en allant à
l'essentiel. Digne héritiére de Barno Ishakova.
Ce chant peut être analysé de plusieurs façon.Soit on le
considére comme une des multiples sources de la musique
occidentale.L'idée du " thème et variation ou exposition
développement " est une des marques de l'occident qui vient
..
d'Orient via les croisades et les troubadours. Soit il s'agit non
pas d'une série d'apport mais de développement parallelle,
cette tendance (thème et variations) n'étant que la réponse
orientale a une attitude humaine planétaire : en musique
l'humain présente puis développe
. Bach, Beethoven,
Mozart, Webern et Boulez seraient alors les lointains héritiers
de cet art né en Orient
.
Lorsque Monajat débarqua de son sovkhoze elle fut soutenue par
le maître Shakat Miszrev.Elle perfectionna l'art du
" maqam " avec lui.Tout aprentissage de la musique est
une initiation de maître à disciple
.
Une démarche mystique |
Cette grande artiste doit aussi la délicatesse et la profondeur de son chant â une démarche profondément mystique/spirituelle.Monajat a plusieurs fois déclarée que cette " délicate voix de soufi " dont l'art paru révolutionner l'interprétation est en fait un chant intérieur, celui de dévots soufis qui psalmodiaient les cinq priéres quotidiennes.
Elle contrôle le souffle à partir d'une maîtrise remarquable du diaphragme. Se consacrant exclusivement au concert Monajat Yultchieva ne chante plus dans les fêtes villageoises, les toy au moment des banquets des mariages ou pour les fêtes de circoncisions. Pourtant elle n'a pas oublié les musiciens populaires professionnels de son enfance, les sozanda qui pratiquaient divers style caractéristiques de la musique turque d'Ouzbékistan. Ils chantaient notamment le Katta ashula de la région de Ferghana qui est peut être issu du zikr maquam. Le Zikr est une importante cérémonie musulmane soufi où les officiants psalmodient le nom de dieu " allah " jusqu'à l'extase finale. Elle ne dédaigne pas de pratiquer ce style en principe réservée aux hommes.
Par son talent et son inspiration haute et généreuse Monajat Yultchieva " la Callas Ouzbeke " est arrivée actuellement au sommet de son art. Sa venue à Chateauvallon est un événement en France dans le cercle des connaisseurs des musiques modales classiques du monde.