Tosca à l’Opéra de Toulon Le souffle de la passion revisité
Très attendue cette ouverture toulonnaise de saison lyrique avait un petit goût de renouveau. En effet l’Opéra de Toulon offrait à son public un nouveau Foyer restauré, un nouveau directeur, de nouvelles ambitions, de nouvelles perspectives. La représentation de vendredi n’a pas démenti les espérances fondées en proposant une soirée lyrique de bonne qualité.
Une mise en scène épurée
Tosca, fleuron de l’esthétique vériste attire toujours les foules et c’est devant une salle pleine que le drame de Victorien Sardou mis en musique par Puccini a déroulé les charmes vénéneux de ses scènes passionnées
La mise en scène de Sylvia Paoli a surpris le public par sa démarche épurée, son souci d’efficacité et de sobriété théâtrale et la cohérence de ses choix. Utilisation de l’espace scénique réussie dans le tableau final du Te Deum mettant bien en valeur la masse chorale soutenue par un immense tableau vivant suggestif.
Les lumières raffinées de Fiammetta Baldiserri sont passées du sombre à l’éclatant selon la progression du drame. Dans les décors intemporels de Andrea Belli, évitant l’anachronisme ou la surcharge, les protagonistes en costumes de l’époque du miracle italien, réalisés par Valeria Donata Betella, ont pu exprimer un jeu de scène crédible à travers une vision de l’œuvre théâtralisée, intellectualisée sans excès. Le rôle de Scarpia incarnant le Mal semblait dominer jusqu’à un réalisme sexuel explicite. Quelques traditionnalistes inconditionnels ont cru bon de huer cette mise en scène au nom d’une nostalgie dépassée.
Une partition musicalement maîtrisée
Côté musique, le chef d’orchestre et co-directeur musical Valerio Galli démontre une bonne maîtrise d’une partition difficile à l’orchestration « impegnative ». Sa battue est sobre, précise, parfois même directive et fougueuse s’adressant à un orchestre plus que correct, composé cependant d’un nombre important d’instrumentistes non titulaires. Notons quelques beaux soli de clarinette, Franck Russo, ou de flûte, Boris Grelier. Pupitres des cordes bien menés par Laurence Monti et Manuel Cartigny.
Ewa Vesin et Riccardo Massi convaincants
Vocalement la soirée a été dominée par l’interprétation de la soprano Ewa Vesin. Pur produit de l’école polonaise de chant lyrique, elle semble fort à l’aise dans le rôle de Floria Tosca. Sa caractérisation du personnage est bien conforme à l’héroïne généreuse de Puccini, séduisante et jalouse au premier acte, tourmentée et justicière au second, victime révoltée de la prédation masculine et martyre de l’amour perdu au troisième, elle incarne une Tosca humaine, sensible et impérieuse dans sa dignité de femme. Sa diction italienne est correcte. Vocalement elle a su séduire par les accents puissants d’une quinte aigue sans failles. Son talent de comédienne a ajouté à l’expressivité de son Vissi d’Arte.
Le ténor italien Riccardo Massi a campé un Cavaradossi vaillant. Une belle voix au timbre rayonnant. Bonne diction italienne. Une musicalité évidente malgré quelques incertitudes au premier acte. Belle prestance dans la scène de torture et un aigu triomphant dans le Vittoria ! en apprenant la victoire de Marengo. Son Lucevan le stelle du dernier acte a conquis le public.
Un casting de qualité
Le baryton Daniel Miroslaw fut un Scarpia de grande classe doté d’une ligne de chant somptueuse et homogène dans toute la tessiture. Il a bénéficié d’une mise en scène qui souligne sensiblement les effets véristes du chef de police corrompu. Sa voix a été vibrante de passion dans la scène du Te Deum et sa prestance scénique a emporté l’adhésion du public au deuxième acte. Un Scarpia tragique restant digne malgré la turpitude et l’obscénité.
Prestation remarquée de la basse François Lis dans un Angelotti plus vrai que nature. Bons « comprimari » de Vincent Ordonneau dans Spoletta, Frederic Goncalves dans le Sacristain et Florent Leroux Roche dans un Sciarrone inquiétant en servile prélat. Adéle Yvinek de la maîtrise de l’opéra et du Conservatoire TPM excellente dans le petit berger.
Le cadre des chœurs, qui pourrait être plus étoffé pour un Théâtre comme celui de Toulon, n’a pas démérité et pourra progresser encore au fil des représentations.
En somme une Tosca troublante dans une coproduction (Opéra de Toulon, Opéra National de Lorraine, Opéra de Rennes, Opéra d’Angers et de Nantes) faisant la part belle à la modernité sans trahir l’intentionnalité des auteurs et servie, ici, par un travail collectif maison (elle a été programmée par Claude Henri Bonnet avant son départ).
Tosca sera redonnée Dimanche 9 octobre à 14h30 et Mardi 11 octobre à 20h.