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Analyse du Sacre du Printemps

Le Sacre du Printemps (sous-titré Tableaux de la Russie païenne) est un ballet composé par le compositeur russe Igor Stravinski pour la Compagnie des Ballets Russes de Diaghilev.

Cette œuvre, considérée comme une des œuvres majeures du XXe siècle, a inspiré de nombreux chorégraphes depuis sa création au théâtre des Champs-Élysées à Paris, le 29 mai 1913 où elle a provoqué un véritable scandale à cause de sa nouveauté, tant du point de vue musical que chorégraphique.

Le compositeur

Igor Stravinski naît en 1882. Son père est chanteur et la musique prend très vite une place essentielle dans sa vie. Il est remarqué à Paris par Serge de Diaghilev qui lui propose alors de réaliser un ballet, qui sera intitulé l’Oiseau de feu (1909-1910). Puis il compose entre autre Petrouchka (1911) et le ballet le Sacre du printemps (1913).

La guerre le contraint à rejoindre la Suisse, où ses compositions sont interrompues. Au lendemain du conflit, il s’installe en France et obtient la nationalité française. Il meurt en 1971.

http://www.linternaute.com/biographie/igor-stravinski/biographie/

Présentation de l’œuvre

« … j’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle et observant la danse à la mort d’une jeune fille, qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps. Ce fut le thème du Sacre du Printemps. » I. Stravinsky

Le Sacre du Printemps est constitué de 2 parties : L’Adoration de la Terre et Le sacrifice.

L’extrait que nous avons écouté : Les Augures printaniers est le début de la première partie (L’Adoration de la terre).

Le sujet de cet extrait est le suivant :

Printemps. La terre est couverte de fleurs. La terre est couverte d’herbe. Une grande joie règne sur la terre. Les hommes se livrent à la danse et interrogent l’avenir selon les rites. L’Aïeul de tous les sages prend part lui-même à la glorification du Printemps. On l’amène pour l’unir à la terre abondante et superbe. Chacun piétine la terre avec extase.

 

Analyse de l’extrait écouté

 

Formation instrumentale : un orchestre symphonique exceptionnellement grand (120 musiciens)

 

Le morceau commence avec une pulsation comme une sorte de tic tac au tempo vif et à l’intensité douce.

Battement

Puis un accord dissonant joué avec force par l’orchestre sur le même tempo avec des accentuations irrégulières, très dynamiques. Cela correspond au “piétinement” “évoqué dans l’argument et représenté dans la chorégraphie.

Accents

Explication : accentuer un note, c’est la jouer plus fort que les autres pour la mettre en relief.

Ci-dessous, un graphique représentant les battements (losanges blancs) et ceux qui sont accentués (en noir).

Une autre représentation de ces accents (la musique jouée par le logiciel Audacity) :

Cette répétition renforce le caractère primitif de l’œuvre.

En alternance avec ces accords, une musique à l’allure de course.

Course

Un accord dissonant en forme de chute abrupte termine provisoirement ce début.

Chute

Explications

Accord dissonant :

accord : ensemble de notes (3 au moins) jouées ensembles

dissonant : produisant un son désagréable à l’oreille. (Contraire : accord consonant).

H. MATISSE – La danse 1909

Le Sacre du Printemps est un ballet, et qui dit ballet dit chorégraphie !

Vaslav Nijinsky (1889 – 1950) "le dieu de la danse"

C’est Vaslav Nijinsky (1891 – 1950) - une légende de la danse – qui a chorégraphié le Sacre du Printemps.

Ceux qui l’ont vu danser étaient impressionnés par sa virtuosité, et en particulier, par sa grande maîtrise technique des sauts. Doué d’une grâce et d’un talent d’acteur hors du commun, Vaslav Nijinski fit la gloire et la renommée des Ballets russes de Diaghilev.

Dans le Sacre du Printemps, la chorégraphie de Nijinsky était très nouvelle Comme la musique de Stravinski.

En effet, la danse classique est basée sur “l’en-dehors” : les pieds et les jambes sont tournés vers l’extérieur, les bras aussi ; les jambes doivent être tendues, le corps droit.

Les 5 positions de pied en danse classique

Dans la chorégraphie de Nijinsky, en complète opposition avec la tradition classique, les danseurs ont les jambes et les pieds en-dedans, les poings serrés, pas de buste droit mais la tête baissée et les épaules voûtées ; pas de jambes tendues mais une démarche avec les genoux légèrement ployés. Pas de disposition symétrique ni de figures répétées pour le corps de ballet.

C’est ainsi que Nijinsky a voulu représenter le côté primitif.

A la suite de Nijinsky, de nombreux chorégraphes se sont intéressés au Sacre.

Une des plus célèbres chorégraphies après celle de Nijinsky : celle de Maurice Béjart (1927 – 2007)

 

Une curiosité : un extrait du magnifique spectacle Triptyk de Bartabas (cavalier, responsable du théâtre équestre Zingaro).

Pour voir la partie correspondant à l’extrait que nous avons écouté, positionner le curseur de lecture sur 3:30.

Les Ballets Russes

Les Ballets russes sont une célèbre compagnie de ballet créée en 1907 par Serge de Diaghilev, avec les meilleurs danseurs du théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.

Diaghilev est un organisateur de spectacles, critique d’art, protecteur des artistes, impresario de ballet. En fondant les Ballets russes d’où seront issus maints danseurs et chorégraphes qui ont fait l’art de la danse du XXe siècle, il fait entrer la danse dans l’ère moderne.

Dès 1909, la compagnie entame une tournée internationale puis devient une troupe privée, indépendante, qui se fixe à Monte-Carlo, Paris et Londres, sans s’attacher à aucun théâtre en particulier.

Diaghilev pour sa compagnie, va favoriser l’essor de talent originaux et la création de nouvelle chorégraphies dont plusieurs marquèrent l’histoire de la danse moderne.

Autour de jeunes chorégraphes russes comme Leonid Massine, Bronislava Nijinska et George Balanchine, Diaghilev rassemble les plus grands talents :

recréent un univers aux couleurs éclatantes qui influencera la mode et les arts décoratifs.

http://leschaussonsverts.eklablog.com/des-ballets-en-costumes-chanel-et-decors-picasso-a1501141

Une curiosité : dans son film d’animation “Fantasia” (1940), Walt Disney utilise la musique de Stravinski pour représenter la terre à ses débuts :

Télécharger la Fiche d’ écoute

www.mc2grenoble.fr/saisons/2011-2012/complet-rvb-lr.pdf

Le Sacre du Printemps (1913) - Un Récit Ancestral

L'Art et la danse

AAgnés Letestu dans le rôle de l'Elue


Qui eut cru, après une répétition générale le 28 Mai 1913 dans le calme le plus parfait, que la création du Sacre provoquerait le lendemain un tel tumulte... Des musiciens tels Ravel ou Debussy présents aux côtés de toute la presse, un public pourtant compétent et bien pourvu en matière d'esprit critique, auraient-ils pu prévoir la veille pareil pugilat autour de la nouvelle production parisienne des Ballets Russes?

"Tout ce qu'on a écrit sur la bataille du Sacre du Printemps reste inférieur à la réalité" écrivit le peintre Valentine Cross-Hugo, "ce fut comme si la salle avait été soulevée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, et puis des gifles, voire des coups..."
Certes la postérité enjoliva l'événement, Jean Cocteau notamment qui y vit une superbe occasion de se ranger résolument du coté des novateurs, mais il n'empèche, le scandale du Sacre du Printemps reste encore aujourd'hui comme l'un des plus spectaculaires dans la mémoire culturelle collective et a fait date dans les annales du théâtre des Champs Elysées qui en fut le cadre.

Frappé du sceau du conflit, le ballet est déjà sujet à débat dès sa conception même... Marie Rambert et Bronislava Nijinska, la soeur de Vaslav, pour qui fut créé le rôle principal de l'Elue, en attribuent la paternité au peintre spécialiste de l'antiquité slave Nicholas Roerich. Ce dernier après le succés du Prince Igor, auquel il a contribué en 1909, avait effectivement ébauché plusieurs scénarios de ballets dont l'un d'eux Le Grand Sacrifice, avait pour thème un rite sacrificiel printanier.
De son côté, Igor Stravinski prétend que l'argument du Sacre s'imposa à lui alors qu'il mettait la dernière main à l'Oiseau de Feu en Mai 1910:
"En finissant à St. Petersbourg les dernières pages de l'Oiseau de Feu, j'entrevis un jour de façon absolument inattendue, car mon esprit était alors occupé par des choses tout à fait différentes, j'entrevis dans mon imagination le spectacle d'un grand rite sacral païen: les vieux sages, assis en cercle et observant la danse à la mort d'une jeune fille qu'ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps. Ce fut le thème du Sacre du Printemps. Je dois dire que cette vision m'avait fortement impressioné". Il échaffauda alors l'idée d'un ballet auquel il donne même un titre: La Victime.

Quoi qu'il en soit, c'est ensemble que les deux hommes vont travailler sur cette idée commune, Roerich sera également chargé des décors et des costumes et c'est Léon Bakst qui donnera à l'oeuvre son titre français. Séduit dès le départ, Diaghilev n'a cependant confirmé sa commande que durant l'été 1911 et Stravinski s'installe alors avec femme et enfants dans une pension de famille de Clarens, une localité de la commune de Montreux en Suisse, où il compose le Sacre "dans un placard dont les seuls meubles étaient un piano droit que j'assourdissais, une table et deux chaises". Il avouera plus tard avoir mis longtemps à savoir noter correctement, à cause de sa complexité rythmique, le motif hoquetant qui lui vint en tête dès le départ et dont il fit "la Danse Sacrale", l'ultime tableau du ballet.

Le compositeur écrira à sa mère: "Diaghilev est fou de mon nouvel enfant, le Sacre du Printemps. Malheureusement c'est Fokine que je considère comme un artiste sur le déclin qui va en être chargé". Tout laisse supposer en effet que c'est au chorégraphe attitré des Ballets Russes, Michel Fokine, que sera confié le prochain ballet. Mais Diaghilev, très satisfait de la première chorégraphie de Nijinski, l'Après Midi d'un Faune présenté en Mai 1912, souhaite sans le dire lui en confier une seconde, et lorsque Fokine découvre qu'il a un rival en puissance il démissionne.
Livret et musique sont fin prêts en Novembre et c'est donc à Nijinski qu'a été attribuée la charge du ballet dont les premières répétitions commencent dès la fin de l'année, au gré des tournées des Ballets Russes et des voyages de Stravinski.

L'Art et la danse

Décor de Nicholas Roerich pour la 1ère Partie du Sacre du Printemps


Très vite le compositeur renvoie le pianiste allemand et se met lui même au piano pour jouer dans un tempo deux fois plus rapide à la limite de la possibilité des danseurs... Ces derniers sont, de plus, durement mis à l'épreuve par la chorégraphie qui leur impose un travail auquel ils ne sont pas habitués, car ce qu'a conçu Nijinski n'a plus que de très lointains rapports avec le sacro-saint dogme de l'en-dehors...
"Les hommes sont des créatures primitives. Leur apparence est presque bestiale. Ils ont les jambes et les pieds en-dedans, les poings sérrés, la tête baissée, les épaules voutées. Ils marchent les genoux légérement ployés avec peine... Tout cela demande beaucoup de précision aux danseurs. Ils trouvaient qu'on leur en demandait trop" écrivit dans ses Mémoires Bronislava Nijinska.
Nijinski se heurte alors inévitablement à Diaghilev qui soutient ses danseurs et lui reproche de ne pas comprendre qu'ils n'ont pas ses facilités, mais il doit également affronter dans un autre domaine Stravinski qui déplore son manque de culture musicale... Ce dernier écrira dans son autobiographie:
"Le pauvre garçon ne connaissait rien en musique" et ajoutera plus loin qu'on l'a "accablé d'une charge au dessus de ses moyens". S'il avait la plus grande admiration pour Nijinski en tant que danseur Stravinski trouva en effet très frustrant de devoir collaborer avec lui en tant que chorégraphe.

L'Art et la danse

Stravinski en compagnie de Nijinski interprète de Petrouchka (1911)

La frustration était cependant réciproque car Nijinski supporte très mal l'attitude paternaliste du musicien:
"Stravinski pense qu'il est le seul à s'y connaitre en musique. Lorsqu'il travaille avec moi il m'explique la valeur de la noire, de la blanche, de la croche et de la demi-croche comme si je n'avais jamais entendu parler de musique... Je préférerais qu'il me parle davantage de sa musique pour le Sacre, au lieu de me faire un cours de solfège pour débutants".
Nijinski est cependant complètement dépassé, il faut le reconnaitre, par la complexité de l'oeuvre car, malgré ses dires, il ne possède pas les bases de solfège suffisantes pour appréhender ce genre de musique. Diaghilev demandera alors à Marie Rambert de l'assister, celle-ci va entièrement décomposer la partition et grâce aux notes qu'elle a consignées mesure par mesure le travail va pouvoir reprendre.

L'Art et la danse

Page de notes de Marie Rambert pour le Sacre du Printemps

Un dernier incident va cependant encore venir contrarier les efforts de Nijinski... Sa soeur Bronislava pour laquelle il a créé le rôle principal lui apprend très tard qu'elle est enceinte et devra être remplacée... Nijinski, fou de rage, va se voir alors dans l'obligation d'apprendre rapidement le rôle à Maria Plitz, non sans avoir menacé d'aller tuer son beau-frère, et les répétitions de la plus audacieuse réalisation de la Compagnie des Ballets Russes iront ensuite jusqu'à leur terme sans autre désagrément majeur.

Sous titré "Tableaux de la Russie païenne en deux parties", le ballet ne comprend pas d'intrigue, "c'est une cérémonie de l'ancienne Russie" précisera Stravinski, dont le premier tableau qui s'achève par la Danse de la Terre figure une adoration du dieu du printemps menée jusqu'à l'extase par les hommes qui piétinent le sol, terre nourricière, tandis que le second, le Sacrifice, glorifie l'Elue jusqu'à son immolation et culmine dans la Danse Sacrale.

Lorsque l'orchestre attaque les premières mesures le soir du 29 Mai, si une légitime angoisse est bien présente, personne cependant n'imagine ce qui va suivre...Trop habitués que nous sommes aux nouveaux genres musicaux d'aujourd'hui il nous est difficile de concevoir quelle fut la véritable violence de l'impact du Sacre sur le public d'il y a un siècle lequel, déconcerté quoi qu'il en soit par cette musique à la limite du désagréable, et dérangé par les éléments d'un langage musical peu familiers et même brutaux, ne fit pas attendre sa réaction...

"J'ai quitté la salle dès les premières mesures du Prélude qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J'en fus révolté" écrira Stravinski dans ses Chroniques de ma Vie, "les manifestations, d'abord isolées, devinrent bientôt générales et provoquant d'autre part des contre manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable".

Stravinski passera alors en coulisses où il trouvera Nijinski debout sur une chaise s'efforçant désespérément de hurler la mesure aux danseurs déboussolés (pas une mince affaire lorsqu'on saura qu'en russe les nombres au dessus de dix comprennent TROIS syllabes) tandis que Diaghilev, qui retient par derrière Nijinski dangereusement penché en avant, fait alternativement éteindre et rallumer la salle, tentant vainement de calmer le tumulte.
Pierre Laloy décrit ainsi l'auditoire survolté:
"J'était placé au dessous d'une loge remplie d'élégantes et charmantes personnes de qui les remarques plaisantes, les joyeux caquetages, les traits d'esprit lancés à voix haute et pointue, enfin les rires aigus et convulsifs formaient un tapage comparable à celui dont on est assourdi quand on entre dans une oisellerie... Mais j'avais à ma gauche un groupe d'esthètes dans l'âme desquels le Sacre suscitait un enthousiasme frénétique, une sorte de délire jaculatoire et qui ripostaient incessamment aux occupants de la loge par des interjections admiratives, par des "bravo" furibonds et par le feu roulant de leurs battements de mains, l'un d'eux pourvu d'une voix pareille à celle d'un cheval hennissait de temps en temps, sans d'ailleurs s'adresser à personne, un " A la po-o-orte!" dont les vibrations déchirantes se prolongeaient par toute la salle".
Ces esthètes glapissants étaient en fait une très mauvaise "bonne idée" de Diaghilev qui, après les remous causés par l'Après Midi d'un Faune, avait cru bon d'engager une sorte de claque pour soutenir la nouvelle création contre d'éventuels opposants... Dans la réalité ceci ne fit que mettre le feu aux poudres et envenima la virulence des détracteurs dans une surenchère bientôt incontrolable...

"Le vacarme dégénéra en lutte" poursuivit Cocteau, "la comtesse de Pourtalès brandissait son éventail et criait toute rouge : C'est la première fois en soixante ans qu'on se moque de moi!".
L'agitation se transforma en bagarre et nécessita l'intervention de la Police qui ne restaura d'ailleurs qu'un semblant d'ordre, tandis que l'orchestre ne cessait de jouer dirigé stoïquement par l'imperturbable Pierre Monteux (Courageuse entreprise car le vacarme était tel qu'il couvrait la musique que ni les spectateurs ni les artistes n'entendaient plus)
Le spectacle sur scène ne sera d'ailleurs pas davantage interrompu et les spectateurs moqueurs réclameront à l'occasion "Un docteur, un dentiste, deux dentistes!" pour les vierges qui dansent en se tenant la tête entre les mains...

Le Sacre du Printemps Extrait de la 1ère Partie interprété par le ballet du Kirov, Chorégraphie de Vaslav Nijinski, décor et costumes de Nicholas Roerich.


La critique ne résiste pas à se répandre largement le lendemain sur "Le Massacre du Printemps"... Et l'on découvre que la grande majorité des articles, sinon la quasi totalité, laissent de côté la musique, tous s'accordant simplement à dire qu'on ne l'entendait pas (certains ne nomment même pas le compositeur...) Car la plupart des revues parisiennes révèleront en effet que c'est la chorégraphie de Nijinski plus que la musique qui entretint la fameuse émeute.
Adolphe Boschot dans l'Echo de Paris ironise sur "les bonnets pointus et les peignoirs de bain" dont sont affublés les danseurs "qui répètent cent fois de suite le même geste: ils piétinent sur place, ils piétinent, ils piétinent et ils piétinent... Couic: ils se cassent en deux et se saluent. Et ils piétinent, ils piétinent, ils piétinent... Couic..." Plus loin il déplore "une pose tortionnaire" et "un unanime torticolis"...

Stravinski était lui-même resté très critique vis à vis de cette chorégraphie et l'écrira dans ses Chroniques en 1935:
"L'impression générale que j'ai eue alors, et que je garde jusqu'à présent de cette chorégraphie, c'est l'inconscience avec laquelle elle a été faite par Nijinski. On y voyait tellement son incapacité à assimiler et à s'approprier les idées révolutionnaires qui constituaient le credo de Diaghilev et qui lui étaient obstinément et laborieusement inculquées par celui-ci. On discernait dans cette chorégraphie un très pénible effort sans aboutissement plutôt qu'une réalisation plastique simple et naturelle découlant des commandments de la musique".

Quoi qu'il en soit, il nous est une fois encore très difficile de concevoir aujourd'hui ce que fut le choc culturel provoqué par la modernité radicale représentée par la chorégraphie du Sacre, environnés que nous sommes de contorsionnistes en tous genres...
Mais quelle que soit la qualité chorégraphique de l'oeuvre qui ne fut représentée que huit fois et que chacun est libre d'apprécier à sa guise, celle-ci n'en marquera pas moins la mise à mort de l'ancien monde des idées, car la force sauvage de ce primitivisme sacrificiel a servi de repère à tous ceux qui ont établi pour la musique l'avénement de l'ère contemporaine, tout comme les masques africains des Demoiselles d'Avignon de Picasso l'ont fait dans le domaine de la peinture.

L'Art et la danse

Les Demoiselles d'Avignon Pablo Picasso (1907)


Stravinski a introduit l'idée de fragmentation du temps musical à facettes exactement comme les peintres essaieront de montrer à travers l'image plusieurs dimensions, tous définissant en même temps le Cubisme.

La musique du Sacre trouvera enfin sa consécration l'année suivante après une audition en concert à Paris en Avril 1914. Stravinski sera porté en triomphe par ses admirateurs dans les rues de la capitale, le dos de son frac déchiré par des fans tirant chacun sur un pan de sa queue de pie!

Quand à la chorégraphie originale de Nijinski tombée dans l'oubli, celle-ci a pu être reconstituée grâce au travail acharné de Millicent Hodson qui après 15 années de recherches est parvenue avec l'aide de Marie Rambert à recomposer le Sacre originel dont décors et costumes furent réalisés à l'identique par Kenneth Archer (Présentée le 30 Septembre 1987 à Los Angeles par le Joffrey Ballet l'oeuvre est aujourd'hui inscrite au répertoire de l'Opéra de Paris et du théâtre Marinski).

Bien avant cela Maurice Béjart en avait donné en 1959 sa propre version qui laissa Stravinski très étonné: "Je n'avais jamais mis autant de sexe là dedans!" commenta-t-il!

Le Sacre du Printemps (2ème Partie) Interprété par Le Béjart Ballet de Lausanne


Les interprètes de Pina Bauch évoluent, eux, en 1975 sur une scène couverte de tourbe qui macule leurs corps suants à mesure que se déroule l'action, tandis qu'Angelin Preljocaj donne lui en 2001 dans le "nu culturel" et déshabille complètement l'Elue, un "effeuillage psychologique" nécessaire selon lui..., et en 2004 Emmanuel Gat proposera à son tour une relecture encore différente de l'oeuvre sur des pas de salsa.

L'Art et la danse

Le Sacre du Printemps (A.Preljocaj-2001)

"Une musique de sauvages avec tout le confort moderne!" avait dit Debussy, mais également, avait-il ajouté, une pièce "qui arrache nos vies aux racines"...

Le Sacre touche effectivement nos instincts les plus profonds, ceux que la civilisation a précisément entérrés vivants, et ce tourbillon de pulsions, somme toute biologiques, nous rappelle qu'aussi loin qu'iront les hommes et les femmes dans leur quête spirituelle, culturelle, ou intellectuelle, ils ne cesseront de buter irrémédiablement sur cette faille.

 

 

Musique et Arts du spectacle vivant

 

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Lors de cette séquence nous aborderons les Arts du spectacle vivant, en particulier les œuvres destinées à la danse.
La question d’étude est : De quelle façon la musique de danse peut-elle évoquer les symboles du rituel ?
Les domaines de compétences abordés sont le Temps et le Rythme, le Timbre et l’Espace.

Nos objectifs : arriver à sélectionner un élément musical parmi beaucoup d’autres, en nous aidant de logiciels adaptés qui permettent de lire une partition dans sa forme graphique ou d’être guidés par des jeux de couleurs, et sur le plan culturel repérer les ruptures et les continuités dans les œuvres musicales destinées à la danse. Comprendre quels moyens un compositeur peut utiliser pour évoquer musicalement la notion de rite, de cérémonie et en quoi est-ce un sujet récurrent dans les oeuvres d'art.

stravinsky sacre pochette

L’œuvre principale est Le Sacre du Printemps , Ballet composé en 1913 par Igor Stravinsky, compositeur russe de la période du XXème siècle (1882-1971).
L’extrait écouté s’intitule : Les Augures Printaniers (Adoration de la Terre).
C' est un Ballet en 2 parties (Nous écoutons un extrait de la première partie, la 2ème se nomme Sacrifice).
Le Ballet est un art total dans lequel tous les protagonistes sont liés les uns aux autres en vue du spectacle : décorateurs, costumiers, chorégraphe, musiciens, compositeur, mais aussi le staff technique (régisseur son, lumière, etc). Cela suppose une grande solidarité entre tous les partenaires. Nous verrons qu’Igor Stravinsky a été l’élève de Nicolaï Rimski Korsakov (1844-1908), autre compositeur russe de la fin de la période romantique qui s’illustra dans l’art de l’orchestration.
A la mort de celui-ci, Stravinsky composa à sa mémoire une pièce musicale intitulée Feu d’artifice, qui fut donnée en concert et au cours duquel Serge de Diaghilev (1872-1929), directeur et impresario des Ballets Russes, repéra le jeune musicien et lui commanda des musiques pour ses Ballets.
De cette rencontre naquirent les célèbres Ballets L’oiseau de Feu (1909-10), Petrouchka (1911) et Le Sacre du Printemps (1913).
Notons que l’œuvre comporte un sous-titre, « Tableaux de la Russie païenne ». Le mot païen est issu du nom de Pan, le dieu de la nature. Le mot est issu du terme latin "paganus" qui signifie "paysan", qui provient lui-même du mot "pagus" qui signifie "campagne"( circonscription territoriale rurale à l'époque gallo- romaine). Ce terme a une connotation péjorative, le "pagus" étant l'antithèse de la cité, symbole de la civilisation, l'adjectif païen qualifie péjorativement ce qui relève du polythéisme, la croyance en plusieurs dieux, opposé au christianisme, à l'islam ou au judaïsme. (source : wikipedia).
Le contexte culturel : Dans le domaine de la peinture nous trouvons le mouvement cubiste (Le Cubisme) dont les représentants sont, entre beaucoup d’autres, Georges Braque, Pablo Picasso et Henri Matisse.

MATISSE-La-danse 1909

Observons un tableau qui a souvent été associé à l’œuvre de Stravinsky : « La Danse » de Henri Matisse, peintre français (1869-1954). Daté de 1909-1910, c’est une huile sur toile que l’on peut voir au Musée de l’Hermitage à Moscou.
Il représente cinq personnages qui ont l’air de flotter tout en dansant en cercle. Les positions des corps sont assez biscornues, et les couleurs sont très crues,réduites aux couleurs primaires, rouge, vert et bleu, palette fauviste classique. Ce dépouillement n’est pas sans rappeler l’art primitif, très prisé des cubistes. Matisse sera d’ailleurs invité par Diaghilev à peindre les décors et les costumes d’un autre de ses Ballets, « Le Chant du Rossignol », en 1919.

Pour en revenir à l'oeuvre: c'est donc une commande de Diaghilev pour les Ballets Russes. Elle est née d'une vision du compositeur : Un Grand rite païen, un sacrifice humain. (Le Sacre est une cérémonie religieuse conférant à un souverain un caractère sacré (parfois même divin), le distinguant ainsi des autres laïcs, ce qui est différent du couronnement).
Je vous propose ici la version de Pierre Boulez, chef d'orchestre et compositeur français (concert enregistré à la Scala de Milan en 2006).


Pour en savoir plus sur l'oeuvre, une page de l'Ircam, sur Scena, sur le site de Radio France, et sur le Larousse en ligne.
En cliquant sur le nom du compositeur surligné en orange plus haut, vous tomberez sur le site de la Médiathèque de la Cité de la Musique.

Les élèves doivent remplir en autonomie la fiche du compopsiteur et de l'oeuvre avec un plan à suivre, un lexique et une sitographie. La note sera reportée au bulletin dans la rubrique Histoire des arts.
La fiche guide pour réaliser votre mini dossier en autonomie.
Fiche_prof_1 ; Le Power Point visionné en classe est trop lourd pour être chargé ici, il se trouve dans votre cahier de textes Educ-Horus du début du mois d'Avril. Téléchargez-le.

thème rythmique graphique

Ce qui frappe l'oreille dès le début, c'est ce thème rythmique, constitué de croches régulières jouées staccato et forte par les Cordes, avec des accents irréguliers sur des temps forts (première croche) ou faibles (2ème ou 4ème croche).

De plus cet accord sonne de façon impressionnante car il comporte des dissonances. En effet l'écriture est polytonale, c'est-à-dire que Stravinsky fait voisiner deux tonalités différentes, à un demi-ton d'intervalle.
Avec la forme d'onde dans le logiciel Audacity ça donne çà : Sacre battement irrégulier
Voici l'accord polytonal (gamme de Mi Majeur mélangée à celle de Mi bémol majeur (un demi-ton plus bas):


Accord extrait

Comme vous pouvez l'entendre dans la video, cet accord est joué trois fois, entrecoupé d'interventions d'autres motifs. Entraînez-vous à le frapper en même temps que les cordes avec les accents aux bons endroit.

 

 

spectacle de Bharata

A ce stade, nous allons comparer cette façon d'accentuer le rythme, nouvelle à cette époque, avecd'autres musiques.
Par exemple dans la musique Karnatique (musique classique du Sud de l'Inde), en particulier celle qui accompagne le Bharata Natyam, danse classique à caractère sacré qui évoque des histoires de la mythologique hindoue.

Ecoutez (sur youtube) Sivasri Bharatanatyam - Nattuvangam

C'est une mesure à 8 temps (Aditala – tala signifie temps) avec des cadences (les theermanams). Ici les formules sont énoncées parfois par 3 dans une carrure de 4. Le tempo, le rythme sont immuables, les accents déplacés et les diminutions rythmiques créant l’illusion d’un changement de tempo.
La chanteuse (aussi Nattuwanar) alterne des parties chantées et des parties rythmiques parlées (Nattuwangam) pour guider les pas de la danseuse. Elle frappe les Talis (petites cymbales), le Mridangam assure la pulsation. Un violon, une flûte, un harmonium et des voix secondaires soutiennent la voix comme les pas de la danseuse.
Les theermanaams sont différents selon les pas. Ce sont de petites cadences dont les formules se répètent trois fois en s’allongeant ou en se rétrécissant. Tout est très codifié (les divers mouvements et figures de danse qui correspondent aux syllabes).L'intonation, très importante, comporte de nombreux accents déplacés.
Nous prendrons un peu de temps pour expérimenter un bout de cette musique, mais pas sur celle-ci, un peu trop difficile. J'ai choisi un petit passage en Bols d'un morceau (Ananda Natamidum) des Bombay Sisters. Vous trouverez le passage étudié à environ 0'39.


Voici la "partition" de l'extrait réalisée avec MuseScore (éditeur de partition gratuit). Cliquer pour agrandir.
anandha natamidum Bombay sisters

palmas

 

nous intéresserons également aux palmas (frappes de mains) du Flamenco, danse gitane arabo-andalouse.

Dans cette Siguiriya dansée par Fiona Malena (écouter l'extrait à partir de 1'15), on remarque de nombreuses variations de tempo (au gré des humeurs décrites par le chant), avec des passages mesurés et d'autres non mesurés. Des frappes de mains (très codifiées) accompagnent la danseuse, la guitare accompagne le chant et la danse avec des formules élaborées et frappe parfois aussi sur sa caisse.
Ici la danseuse émet aussi des rythmes avec les pas, les claquements de doigts, les frappes sur les cuisses. La chanteuse chante et émet des exclamations. Les Palmas (frappes de mains) sont groupées ainsi : 123 – 123 – 12- 12 -12 – (ce qui fait 12 temps divisés en 3 puis en 2).

Projet musical : Nous expérimenterons les Palmas dans la chanson Amor Gitano de Beyoncé et Alejandro fernandez issue de l'album Irreemplazable (2007). Nous frapperons ces palmas en deux groupes (temps et contretemps).

:Irreemplazable L


Les paroles et la partition :
Amor_gitano ; partition ;

La video donne à voir des extraits de la série produite par Telemondo, la Espada y la Rosa qui est une des nombreuses versions des histoires de Zorro et a été filmée en Colombie. Le style Flamenco-Pop de la chanson qui a été utilisé dans la bande originale va très bien avec les images. Cette chanson nous permettra de chanter également en deux groupes opposant les garçons et les filles.

Après ce petit détour nous reviendrons à l'oeuvre de Stravinsky pour essayer de comprendre pourquoi celle-ci provoqua un énorme scandale lors de la première représentation, à travers le visionnage du film Coco Chanel et Igor Stravinsky de Jan Kounen (2008 : sortie en 2009). Démarrer la lecture à 1’26.


Comme vous pouvez le constater, la chorégraphie va à l'encontre de tous les codes de la danse académique. Les pieds des danseurs sont positionnés en dedans, les mains crochues, les mouvements de bras sont arrachés de l’intérieur vers l’extérieur, les danseurs piétinent le sol en postures courbées, cambrées, ils tournoient et sautillent frénétiquement, etc. Le spectacle fut interrompu par les hurlements et les quolibets du public, divisé entre partisans et opposants à tel point que la police dut intervenir.
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Observez le chorégraphe Nijinsky (source de la photo: : resmusica.com) dans les coulisses, qui tente de compter les temps pour soutenir les danseurs. En effet la partition, très complexe, représentait un challenge pour les musiciens comme pour les danseurs, en raison des nombreux changements de mesure et de tempo. Les costumes de Roerich sont également étranges pour l'époque, un mélange de tenues de paysans ressemblant étrangement aux costumes des squaws pour les femmes.
De nombreuses autres chorégraphies magnifiques peuvent être explorées pour comparer : Maurice Béjart, Pina Bausch, Prejlocaj, Boulez et Le cirque Zingaro, celle de Georges Monboye (danse africaine contemporaine) etc. Ces versions exploitent parfois particulièrement le rôle de la sacrifiée, d'autres sont plus axées sur les mouvements qui nous ramènent à l'art primitif.

La partition comme nous l'avons vu est très complexe. Les instruments sont très nombreux et les pupitres sont divisés. Pour nous permettre de visualiser celle-ci de façon plus comfortable, nous utiliserons le logiciel MAM qui représente la musique sous forme de graphiques animés, et nous aidera donc à identifier les éléments musicaux. Les sons sont au format MIDI. Notre extrait commence à 3'21 et se termine à 6'16.

En plus du thème rythmique identifié plus haut, la video nous permettra de repérer l'ostinato de 4 croches qui introduit celui-ci et réapparaît tout au long de l'extrait, parfois à des registres différents. Il est d'abord introduit par le cor anglais. ostinato

Nous repérerons également le trille qui se promène en interlude à divers instruments? parfois doublé ou en tierces.
Nous visualiserons ainsi l'agrégat de notes joué par les cordes, utilisées comme un seul instrument à percussion, et les éléments qui l'entrecoupent.

Manuel De Falla

Nous allons à présent comparer ces éléments avec La Danse Rituelle du Feu de Manuel De Falla (Compositeur espagnol, 1876-1946) extraite du Ballet L’amour Sorcier ou Amor Brujo (1914-15).
C'est un Ballet-pantomime commandé par une célèbre danseuse de flamenco, Pastora Imperio qui désirait une « gitanerie musicale ». De Falla est un représentant de l’école moderne espagnole.
Comme Stravinsky, il a quitté son pays en raison de la guerre civile en Espagne pour l’Argentine, après le meurtre de Federico Garcia Lorca, auteur espagnol (1898-1936).
Argument : Une jeune gitane, Candela, a perdu son mari. Elle tombe amoureuse mais elle est traquée par le fantôme de son défunt mari. Aux Douze coups de minuit, elle se met à danser autour du feu, pour chasser son esprit. Comme rien n’y fait, elle demande à son amie Lucia de séduire le fantôme. Ainsi elle peut vivre son amour librement.

Ecoutez l'extrait Les Douze coups de Minuit

Voici l'interprétation de l'orchestre symphonique de Chicago sous la direction de daniel Barenboim.
Ici aussi tout l’orchestre sert de percussion
(avec une alternance medium grave pour jouer les 12 coups). Cependant les Accords sont plutôt consonant malgré quelques dissonances qui s’inflitrent vers la fin.

Comment cet accompagnement est-il écrit par rapport à l'extrait du sacre étudié?
Nous y retrouvons :
L'emploi du trille
(qui symbolise ici le feu. Le compositeur utilise la dynamique pour créer l’effet du vent sur le feu (crescendo-decrescendo). Il circule à travers les pupitres.
L’ostinato des basses (on entend 4 notes détachées, dans le style de la Habanera).
Nous ne retrouvons pas les dissonances de l'accord rythmique, cette musique appartient à la période de la fin du Romantisme.
Par contre là aussi tout l'orchestre martèle des accords fortissimo avec de forts accents (des syncopes, déplacement d'accent du temps fort sur le temps faible).

Le_guitariste_1910 huile sur toile picasso

 

Dans Le Sacre du Printemps, Stravinsky a introduit l’idée de fragmentation du temps musical à facettes (impression d'immobilité dans le mouvement) exactement comme les peintres Cubistes essaieront de montrer à travers l’image plusieurs dimensions. Une nouvelle conception du temps musical est née (voir tableaux cubistes – mosaïque de facettes). La discontinuité du fil musical crée l’illusion d’un temps morcelé en fragments de nature différente. Le cinéaste russe EISENSTEIN expérimentera les effets de montage dans ses films (peinture sur pellicule).


Une autre visualisation de la partition est à envisager avec des indications en temps réel sur le site de la Médiathèque de la Cité de la Musique. En haut, le plan de l'extrait vous permet de vous situer dans l'espace temporel, en bas à gauche les motifs sont associés à des couleurs, lorsque vous appuez sur play, la partition défile et les motifs se colorent progressivement. C'est fascinant et beaucoup plus simple à comprendre ainsi pour le non-musicien.
Hormis l'accord et l'ostinato, on entend 4 autres motifs qui vont se succéder et parfois se superposer de façon aléatoire.
Au miieu de l'extrait, une grande cassure (comme un miroir qui se brise) sans transition.
Nous allons nous efforcer de représenter chaque motif par un graphique afin d'en identifier la teneur.
Après quoi nous en arriverons à la conclusion que tous ces motifs sont constitués de notes conjointes (qui se suivent) qui sont en fait des fragments de gammes et de répétitions de notes. Ils apparaissent et disparaissent sans transition, brusquement.
La succession et la superposition des thèmes avec l’accord et l’ostinato crée des dissonances, un sentiment de désordre, on a l’impression d’une foule qui avance, avec des chutes et des roulades, des apparitions et des disparitions.
Les mélodies sont fragmentées, elles sont jouées dans tous les registres, la superposition d’éléments variés qui s’entrechoquent fait penser aux peintures des cubistes (Constitution d’une seule musique à partir d’une multiplicité de petites facettes. Mélange d’abstraction et de réalité – dissonances, folklore, complexité - dépouillement).
Ainsi, La toile de Pablo Picasso (Le Guitariste, représentée plus haut) évoque les rythmes saccadés de la musique. Elle est structurée par une vigoureuse architecture de lignes et d’angles. Toutefois, quelques éléments permettent d’identifier le sujet (on voir son visage et une partie de la guitare).

Comparons à présent le thème de La Danse rituelle du feu.
Au point de vue mélodique : Il est joué au cor anglais solo, puis repris plus fort par les violons.
Il comporte des répétitions. Il a un caractère oriental (notes conjointes, petits mouvements ascendants/descendants).
Il est accentué par de petits ornements.
Au point de vue rythmique : Le rythme est régulier, scandé par les cordes graves et cerné par les trilles qui symbolisent le feu.
Au point de vue de la structure : Le morceau est séparé en 2 parties distinctes, la 2ème répète la première avec une terminaison différente. Le tempo accélère et la coda fait entendre des accords rythmiques avec des accents déplacés par tout l’orchestre (utilisé comme un seul instrument).

L'Oiseau de Feu (1910) - Des ailes pour un génie

L'Art et la danse

L'Oiseau de Feu - Marc Chagall (détail du plafond de l'Opéra de Paris)

"Au plus fort de l'orage il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'Oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler"
René Char (1907-1988)

Après l'immense succès remporté à Paris par sa première saison de ballets, Sergueï Diaghilev décide de renouveler l'expérience l'année suivante avec une oeuvre totalement inédite, et souhaite exporter cette fois une création totalement russe dans son esprit et dans sa forme, encouragé en cela par l'enthousiasme du public français pour cet art slave qu'ils découvrent.

Le thème du livret sera donc inspiré des légendes russes, et pas moins de quatre compositeurs se verront contactés pour la partition:
Tcherepnine (1873-1945) tout d'abord, lequel commença effectivement à travailler pour le ballet mais se retira du projet à la suite d'une brouille avec l'irascible impresario (Il publia par la suite sa musique sous le titre Le Royaume Enchanté), puis c'est Liadov (1855-1914) qui se vit ensuite proposer l'offre et la déclina tout simplement, l'idée très répandue selon laquelle il aurait accepté la commande sans pouvoir l'honorer du fait de sa lenteur à composer étant entièrement fausse. Ce ne sera qu'après les refus respectifs de Glazounov ( 1865-1936) et Sokolov (1859-1922) qu'en désespoir de cause Diaghilev se tourne vers le jeune Igor Stravinsky qui était en quelques sortes le suivant sur sa liste, car il s'était adressé par ordre de préférence aux compositeurs qui avaient arrangé les oeuvres de Chopin pour Les Sylphides, le grand succès de la saison 1909 à Paris (Stravinsky avait orchestré le Nocturne en la bémol majeur et la Valse Brillante en mi bémol majeur).

L'Art et la danse

Igor Stravinsky (1882-1971)

"Faites moi l'imprévisible!" avait réclamé impérativement Diaghilev... Pour Igor Stravinsky alors âgé de 28 ans, il s'agit de concevoir une oeuvre en quelques mois et surtout un ballet pour Fokine, et le projet inspira au départ quelques inquiétudes au jeune compositeur:
"Diaghilev me proposa d'écrire la musique de L'Oiseau de Feu. Quoiqu'effrayé par le fait que c'était là une commande à délai déterminé, et redoutant de ne pouvoir arriver à temps, j'ignorais encore toutes mes forces, j'acceptais".
Car son envie de rejoindre les Ballets Russes était en effet plus forte que ses craintes:
"A l'époque où je reçus la commande de Diaghilev le ballet venait de subir une grande transformation grâce à l'apparition d'un jeune maitre de ballet, Fokine, et à l'éclosion de tout un bouquet d'artistes pleins de talent et de fraicheur. Tout cela me tentait énormément, me poussait à sortir du cercle dans lequel je me trouvais confiné et à saisir l'occasion qui s'offrait de m'associer à ce groupe d'artistes avancés et actifs dont Diaghilev était l'âme et par lequel je me sentais attiré depuis longtemps.
Pendant tout l'hiver je travaillais avec ardeur à mon oeuvre et ce travail me mettait en contact continuel avec Diaghilev et ses collaborateurs. La chorégraphie de L'Oiseau de Feu était réglée par Fokine au fur et à mesure que je livrais les divers fragments de ma musique".
(Igor Stravinsky - Chroniques de ma vie)

L'Art et la danse

Mikhaïl Fokine (1880-1942)

Commencée en Décembre 1909, la partition achevée le 18 Mai 1910 est divisée en 19 morceaux qui par leurs titres rendent assez bien compte de l'argument lequel s'inspire de plusieurs sources car il n'existe pas de conte ou de légende populaire russe dont l'Oiseau de Feu soit le personnage central.
Emblème de la magie bénéfique et de la beauté pure dans le folklore russe, cet Oiseau de Feu, insaisissable, vif, radieux était la métaphore parfaite de l'art lui-même tel que le concevait le cercle du Monde de l'Art (Mir-Iskousstva), "l'oiseau libre" de l'inspiration "aux ailes légères et bienveillantes" que célébrait le poète Alexandre Blok (1880-1921) et il s'imposa naturellement aux créateurs.

Fokine élabora le livret à partir d'une idée judicieuse de Piotr Potiomkine, poète mineur et balletomane qui avait fait son entrée dans le cercle de Diaghilev et avait sans aucun doute en tête certains vers de Iakov Polonski (1819-1898) que tout jeune russe apprend encore par coeur aujourd'hui:
"Et dans mes rêves je me vois chevauchant un loup
Le long d'un sentier dans une forêt,
Parti combattre un tsar sorcier
Dans ce pays où une princesse captive
Se lamente derrière des murs épais.
Au milieu d'un jardin merveilleux s'élève un palais de verre,
Et un oiseau de feu y chante toute la nuit
Becquetant sur un arbre des fruits dorés".

L'intrigue, qui réunit quatre thèmes des contes populaires traditionnels: L'oiseau de feu, le sorcier maléfique, la princesse captive et le prince libérateur, est en fait construite sur la base de deux histoires:
Le Conte d'Ivan Tsarévitch, de l'Oiseau de Feu, et du loup Gris, l'un des nombreux contes publiés par Alexandre Afanassiev (1826-1871) et La Cithare qui joue seule où apparait cette fois le personnage de Kachtcheï l'Immortel. Certains éléments mineurs ont en outre été également empruntés à d'autres contes tels que Vassilissa la belle ou encore Danses nocturnes et le programme rédigé par les Ballets Russes lors de la création du ballet propose le récit suivant:

" Ivan Tsarevitch voit un jour un oiseau merveilleux, tout d'or et de flammes, il le poursuit sans pouvoir s'en emparer et ne réussit qu'à lui arracher une de ses plumes scintillantes. Sa poursuite l'a amené jusque dans les domaines de Kachtcheï l'Immortel, le redoutable demi-dieu qui veut s'emparer de lui et le changer en pierre, ainsi qu'il le fit déjà avec maint preux chevaliers. Mais les filles de Kachtcheï et les 13 princesses captives intercèdent et s'efforcent de sauver Ivan Tsarevitch. Survient l'Oiseau de Feu qui dissipe les enchantements: Le château de Kachtcheï disparait et les jeunes filles, les princesses, Ivan Tsarevitch et les chevaliers délivrés s'emparent des précieuses pommes d'or de son jardin".


L'Art et la danse

Illustration d'Ivan Bilibine (1876-1942) pour Le Conte d'Ivan Tsarévitch, de l'Oiseau de Feu, et du Loup Gris (1899)


Toutefois Mikhaïl Fokine élaborera davantage le récit et le ballet en I Acte et deux tableaux peut se résumer brièvement de la manière suivante:
Le prince Ivan Tsarevitch vient de pénétrer au clair de lune dans une forêt mystérieuse où se dresse un arbre chargé de fruits dorés, et apercevant soudain un oiseau magnifique, l'Oiseau de Feu, réussit à le capturer, mais celui-ci échange sa liberté contre l'une de ses plumes qui saura, lui dit-il, le protéger en cas de besoin.
Après être parvenu au domaine du sorcier Kachtcheï, Ivan Tsarevitch voit soudain s'ouvrir la porte du château d'où sortent 13 princesses prisonnières qui jouent avec les pommes d'or. Celle de la plus belle d'entre elles, la princesse Tsarevna, s'égare, et en la récupérant elle découvre Ivan qui s'était dissimulé pour observer les jeunes filles.

 

L'Oiseau de Feu est interprété par Nina Ananiashvili (L'oiseau de Feu), Andris Liepa (Ivan Tsarevitch), Ekaterina Liepa (Tsarevna), Sergueï Petukhov (Kachtcheï) et le corps de ballet du Bolchoï.

Tsarevna raconte alors à Ivan comment le sorcier transforme en pierre les voyageurs qu'il capture et le supplie de s'enfuir, mais tombé amoureux de la belle princesse et n'ayant cure de ses conseils, il voit tout à coup surgir une horde de monstres suivis du sorcier qui s'empare de lui. Il est alors placé contre un mur de pierre et Kachtcheï commence l'incantation qui va le transformer lorsque la plume de l'Oiseau lui revient soudain en mémoire... Il l'agite et celui-ci apparait aussitôt, entrainant les démons dans une danse qui les épuise.

 

L'Oiseau de Feu est interprété par Nina Ananiashvili (l'Oiseau de Feu), Andris Liepa (Ivan Tsarevitch), Ekaterina Liepa (Tsarevna), Sergueï Petukhov (Kachtcheï) et le corps de ballet du Bolchoï.

L'Oiseau a révélé à Ivan l'existence d'un coffre où est caché un oeuf énorme qui renferme l'âme de Kachtcheï, ce dernier tente d'empêcher que l'on s'en empare mais l'oeuf est finalement brisé et tous les sortilèges sont rompus, le sorcier et ses charmes maléfiques sont anéantis et Ivan et Tsarevna sont finalement réunis.

Le 7 Juin 1910 Stravinsky se rend à Paris pour assister aux dernières répétitions et y est accueilli en triomphe. "Souvenez vous de ce que je vous dis, c'est un homme à la veille de la gloire" fera remarquer Diaghilev à Tamara Karsavina...
Et le succès pressenti par tous sera effectivement au rendez-vous malgré quelques moments difficiles... Car lors de la Première à l'Opéra de Paris le soir du 25 Juin, si tout le Gotha des grandes soirées parisiennes est dans la salle (voilée pour ne pas être reconnue Sarah Bernhardt est présente dans son fauteuil roulant), en coulisses par contre rien ne va... La révolte gronde depuis quelques jours chez les techniciens et c'est Diaghilev lui-même qui prendra en main la commande des éclairages...
Mais trois quarts d'heure plus tard les spectateurs, qui ne se sont aperçu de rien, sont debout et applaudissent à tout rompre Tamara Karsavina (l'Oiseau de Feu), Vera Fokina (Tsarevna), Michel Fokine (Ivan Tsarevitch) et Alexeï Boulgakov (Kachtcheï), quand à Stravinsky, le public voit en lui le nouveau musicien de génie.

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Tamara Karsavina et Mikhaïl Fokine dans L'Oiseau de Feu (1910)

A l'exception des costumes de la princesse Tsarevna et de l'Oiseau de Feu, deux créations éblouissantes de Léon Bakst pleines de couleurs et de pierres précieuses, les décors et les costumes sont d'Alexandre Golovine qui avait conçu à cette occasion avec sa forêt mystérieuse matérialisée par des arabesques multicolores qui semblent répondre à la musique, l'un des plus beaux décors jamais réalisés pour les Ballets Russes, contribuant à donner à l'oeuvre un caractère magique et intemporel. Les critiques seront litéralement en extase et ne cesseront de louer le ballet pour la symbiose entre le décor, la chorégraphie et la musique:
"Le vieil or du fantastique rideau de fond de scène semble avoir été conçu avec la même formule que celle des miroitements orchestraux" écrira Henri Ghéon dans La Nouvelle Revue Française.

L'Art et la danse

Décor d'Alexandre Golovine pour L'Oiseau de Feu

Quand au chorégraphe il inaugurait ici la voie du ballet moderne par la dimension expressive de son écriture. Fokine a non seulement cherché à créer dans L'Oiseau de Feu une danse belle, mais aussi dramatique, voire spectaculaire, mettant en évidence les notions de bien et de mal sur lesquelles repose le principe du conte de fée. Et il rompt la tradition en ouvrant ce ballet sur une vision plus réaliste à travers un langage à la fois expressif et moderne:
"Dans ce ballet j'éliminai totalement la pantomime habituelle et je racontai l'histoire avec l'action et la danse"
(M.Fokine- Mémoires d'un maitre de ballet)
Fokine intègre en effet ici des éléments gestuels du quotidien, et ne craint pas de faire se mouvoir les danseuses allongées au sol lors de la scène finale avec l'Oiseau pour lequel il invente des formes et alterne d'authentiques danses avec leur propre relecture dans une optique moderne.

L'Art et la danse

Costume de Léon Bakst pour Tamara Karsavina dans L'Oiseau de Feu

C'est Anna Pavlova qui au départ avait été pressentie pour le rôle titre, mais celle-ci refusa absolument de danser sur la musique de Stravinsky qu'elle considérait comme une ineptie... Et ce dernier écrira plus tard:
"Je la rencontrais chez elle à St.Petersbourg. Diaghilev lui avait demandé de m'inviter à une de ses soirées dans l'espoir qu'après m'avoir rencontré elle accepte de danser L'Oiseau de Feu. Je me rappelle que Fokine et Bakst étaient présents. On a bu beaucoup de champagne... Mais quoi que Pavlova ait pensé de moi, elle ne dansa pas L'Oiseau de Feu. Les raisons de son refus étaient, je crois, qu'elle considérait ma musique comme horriblement décadente".
Et malgré l'opposition de Vaslav Nijinski qui aurait voulu interpréter L'Oiseau de Feu, ce fut alors Tamara Karsavina qui obtint le rôle.

Dédicacée "A mon cher ami Andreï Rimsky-Korsakov", la musique de Stravinsky a été utilisée par rien moins que 13 chorégraphes. L'oeuvre fut remontée par les Ballets Russes du colonel Basil à Londres en 1934 avec les costumes et les décors originaux, puis par George Balanchine en 1949 pour le New-York City Ballet avec cette fois des décors et des costumes de Marc Chagall. Repris une nouvelle fois en 1970 par Balanchine et Robbins et des costumes de Barbara Karinska, l'Oiseau de Feu a également inspiré entre autres Serge Lifar, Maurice Béjart ou encore Angelin Preljocaj.

"Me renouveler, surprendre, et ne jamais lasser" telle était l'ambition d'Igor Stravinsky au lendemain du triomphe de L'Oiseau de Feu et c'est effectivement ce qu'il fera avec les deux prochains ballets qu'il composera pour la troupe de Diaghilev, Petrouchka (1911) et Le Sacre du Printemps (1913) qui marqueront un changement de direction dans son approche musicale et dont les réactions qu'ils soulevèrent allèrent de l'enthousiasme le plus délirant au complet scandale...
Cependant le compositeur garda certainement une affection toute particulière pour l'oeuvre qui l'avait rendu célèbre et au soir de sa carrière c'est avec la Suite N°3 tirée de son premier ballet que lors d'un mémorable concert qu'il dirigea au Royal Festival Hall de Londres en 1965 Stravinsky choisit de faire ses adieux au public anglais sur les ailes de son Oiseau de Feu.


Igor Stravinsky dirige L'Oiseau de Feu (Extrait du concert d'adieu enregistré au Royal Festival Hall de Londres en 1965)

"J'ai dit quelque part qu'il ne suffisait pas d'entendre la musique mais qu'il fallait encore la voir"
Igor Stravinsky