Xinarca et la Cetera le chant mystique corse
Samedi 11 juin 21h en l’Église Saint-Pierre de Giens place Saint-Pierre Hyères aura lieu un concert intéressant par un artiste et poète attachant.
Il s’agit de Xinarca qui propose une rencontre de chant traditionnel monodique corse : chant sacré et chant de la tradition des montagnes (chants anciens et compositions).
Il s’accompagne d’un instrument précieux à 16 cordes, la « Cètera d’Oletta ». C’est le seul cistre corse d’époque (230 ans) joué encore aujourd’hui. L’instrument a quasiment disparu au début du XXème siècle ainsi que son répertoire. Le dernier artiste qui en jouait s’est éteint dans les années 1930 1934 et avec lui s’est perdue cette tradition orale dont nul enregistrement n’a conservé la mémoire.
Xinarca un artiste mystique
Il nous a confié : « Mes sources sont les chants sacrés ainsi que les chants de montagne (Cantu Sacru et Cantu Nustrale) et, en amont des sources, les sons, les appels, les silences, les stations, les contemplations, les bêtes, la façon de porter la voix de l’homme en montagne, celle des anciens bergers.
(Ses concerts débutent toujours par un solo de pifana l’ancienne flûte des bergers corses taillée dans une corne de chêvre)
Ce n’est guère le chant mare è sole des années 50-60 qui me guide, mais plutôt l’invocation de la nature brute dans toute sa majesté et l’intériorité religieuse de l’homme au cœur du mystère de la Création. Une recherche de l’archaïque et du sacré à travers le chant profond et des compositions qui ne tendent pas à être fidèles à la Tradition dans sa forme, mais dans sa source, dans son énergie, son mystère primitif et sa puissance magique et incantatoire. Le religere de l’homme aux hommes et à la nature« . Il lui arrive de chanter le chant des muletiers du village perché de Zonza en distribuant au public des petites clochettes…
La Cetera d’Oleta
L’instrument un cistre à 16 cordes était très populaire du XVII -ème jusqu’au milieu du XIXème siècle. Il accompagnait chant et violon lors de veillées. Essentiellement de tradition orale monodique et d’importation péninsulaire il avait quasiment disparu de la mémoire collective corse, sans doute trop lié à l’influence génoise et pisane. Ce n’est que dans les années 1980 où la conscience affirmée d’une spécificité culturelle a permis sa reaquistu comme disent les nationalistes.
Dans l’état des recherches, le dernier virtuose qui en jouait était forgeron et musicien ambulant. Il s’est éteint en 1934. Il s’appelait Luiggi Succi. Avec lui s’est perdue la tradition du chant monodique (chant des troubadours) sous les coups de deux influences : d’un côté la variété avec des vedettes comme Tino Rossi ou Antoine Ciosi et d’autre part avec le renouveau du chant polyphonique apparaissant plus authentiquement insulaire (ce qui est d’ailleurs en partie inexact).
Il ne reste aujourd’hui que très peu d’instruments d’époque. Celui dont joue l’artiste est connu sous le nom de Cetera d’Oletta. Elle a 200 ans et c’est la seule cetera d’époque actuellement jouée (une autre cetera d’époque en état de jeu est visible au Musée des Arts et Traditions populaires de Corte).
Une découverte récente
La découverte de livrets de tablature du XVIIe siècle (essentiellement des pièces d’inspiration italiennes, simples et courtes, de type menuet) a permis de reconstituer fidèlement la table d’accord de cet instrument, autrefois habitué à porter les sérénades, accompagner les chants populaires et faire danser le peuple corse.
Aujourd’hui, si la cetera a retrouvé ses vibrations longues et médiévales, l’instrument n’est pas encore complètement sorti du musée. « Pour vraiment faire revivre la cetera, il faudrait qu’on s’en serve dans le rock ou la variété, comme c’est le cas pour la vielle à roue ou la cornemuse «, estime le luthier et musicologue Ugo Casalonga, conscient du chemin à parcourir
Ce concert en l’Église de Giens est une rareté à ne pas manquer. Xinarca est un artiste talentueux, un chercheur en musicologie et un homme discret loin des effets médiatiques. Je ne peux que conseiller cette rencontre à la fois musicale et mystique pour découvrir l’âme corse à travers l’authenticité de sa musique.
À noter que pour les mélomanes qui manqueraient le concert de samedi, Xinarca se produira également le lendemain dimanche 12 juin 18h en l’Église Saint-Trophyme de Pourrières 84, rue de l’Eglise 83910
Jean François Principiano