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Opéra de Toulon Don Giovanni de Mozart en toutes libertés !
Ouverture réussie de la saison lyrique avec le chef d’œuvre de Mozart dans la belle mise en scène de Daniel Benoin et une distribution homogène. Tenue impeccable de l’orchestre sous la direction de Jordan de Souza
Un plateau vocal jeune homogène et talentueux.
Dans cette production qui venait de Nice, la qualité première était une vision théâtrale de l’opéra privilégiant les jeux des chanteurs-comédiens dont l’explicité frôlait le réalisme le plus cru. Le casting était enlevé, dynamique et convainquant sous la baguette féline et attentive de Jordan de Souza. Quelques imprécisions dans les attaques et décalages seront sans doute corrigés lors des prochaines représentations.
Le Don Giovanni de Guido Loconsolo, un habitué de la Jeune Scala et diverses grandes maisons lyriques était incarné avec aplomb, maîtrise et faconde. Vocalement irréprochable, il a su se plier aux exigence du metteur en scène avec souplesse et efficacité. Une voix un peu plus puissante n’aurait pas nui ou rôle du Dissoluto punito. Son double, Leporello Pablo Ruiz a partagé avec son maître l’incarnation du mal et son narcissisme pervers, une voix au beau timbre de baryton et une présence scénique indéniable. Bonne surprise avec le Masetto de Daniel Giulianini, incarnant le mari récalcitrant de la jeune Zerlina. Ce baryton-basse a étonné dans ce rôle souvent négligé qu’il a su habiter avec véhémence, tendresse et colère grâce à une voix puissante et bien expressive et une prononciation de l’italien parfaite. Noble prestation de la voix de basse de Ramaz Chikviladze. Autre bonne pioche avec le ténor australien Alasdair Kent à qui Mozart a confié deux airs nécessitant un legato parfait et une maîtrise technique aboutie. Un artiste raffiné, excellent mozartien.
Les rôles féminins ont été d’une qualité vocale incontestable. Notamment la donna Anna de la toulousaine Anaïs Constans. Beau timbre de soprano chaud et percutant, maîtrise technique d’un niveau qui ne craint ni les pièges virtuoses du rôle, ni la complexité psychologique du personnage. Marie-Eve Munger elle aussi jeune soprano déjà bien confirmée, s’est imposée dans le difficile rôle d’Elvira par sa musicalité ailée, son art de la nuance et de la coloration, faisant miroiter un timbre gorgé d’une irrésistible vibration poignante. La Zerlina de Gathouna Gadelia au caractère piquant et charmeur, dotée d’une technique affutée et d’un style pertinent s’accommode fort bien de ce rôle rendu encore plus tragique par le réalisme de la mise en scène de Daniel Benoin.
Une vraie direction d’acteur
C’est sans doute la réussite essentielle de ce spectacle. Une vraie direction d’acteur et une cohérence dans les choix bien soulignés par des projections vidéos envoutantes. L’œuvre de Mozart (1787) s’inscrit en effet dans la lignée des grandes manifestations de l’esprit libertin du dix-huitième siècle des lumières annonçant la Révolution. C’est aussi le monde du Marquis de Sade et de Choderlos de Laclos. Le cri de Don Giovanni défiant le ciel fait écho au Viva la Libertà. Certains ont été choqués par le réalisme sans fard de quelques scènes : le viol de Donna Anna, le sang sur les cuisses de la jeune Zerlina dépucelée par le séducteur le jour de ses noces, les ébats sexuels collectifs suggérés explicitement dans cet immense lit des turpitudes donjuanesques et jusqu’à la sodomie de la malheureuse Elvira, aux marqueurs un peu trop appuyés (en rythme cependant avec la partition et avec le texte de Da Ponte). Personnellement je n’ai rien contre. Car tout cela c’est aussi le miroir de la cruelle vérité d’une époque dont la brutalisation sociétale, en particulier à l’égard des femmes, projette encore bien des échos dans la nôtre. La transgression est une liberté nécessaire au progrés des idées, mais elle n’est pas un absolu éthique, elle est bornée par les contingences de la vie en société et les exigences d’une morale naturelle. C’est pour cela qu’après la scène spectaculaire de la mort du « héros », Daniel Benoin a eu bien raison de souligner le final proclamant la punition de celui qui fait le mal. Il en suggère aussi la pérennité récurrente. Comme au début, il est veillé dans son lit de mort par ses propres victimes. Il n’y a pas de bon théâtre sans catharsis ni de bon Don Giovanni sans l’éternel retour de son emprise.
Jean-François Principiano
Prochaines représentations : Dimanche 10 octobre 14h30, Mardi 12 octobre et jeudi 14 octobre 20h
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