Knock de Jules Romains, le triomphe de la manipulation médicale
Une comédie remboursée par la sécurité sociale
La Compagnie des Tragos propose la pièce célèbre de Jules Romains mise en scène par Béatrice Guerrero Seignez au Festival des Tragos le dimanche 28 août à Cavalaire
Knock, un médecin à l’allure ambigüe, a racheté la clientèle quasi nulle du Dr Parpalaid. Il va peu à peu diffuser un sentiment de peur chez les pittoresques habitants du village de Saint-Maurice et de la région tout entière pour les soumettre à l’emprise de la médecine et de son autorité, en appliquant une « méthode » destinée à faire sa fortune : convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s’ignore et trouver à chacun la maladie imaginaire dont il souffre. Cette œuvre désinfectante devrait être remboursée par la sécurité sociale tant elle dénonce des pratiques et des dérives toujours d’actualité, alimentées par le désir de santé et le jeunisme médiatique.
Un pamphlet sceptique sur la société
Knock a été représenté avec succès pour la première fois à Paris, à la Comédie des Champs-Élysées, le 15 décembre 1923, sous la direction de Jacques Héberlot, avec la mise en scène et les décors de Louis Jouvet qui l’a porté sur toutes les scènes. Avec sa voix inimitable et ses citations devenues cultes : « « Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ? » ou encore « Rien ne m’agace comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant. »
Jules Romains l’insoumis de bonne volonté.
Au-delà du comique, c’est un pamphlet contre l’emprise des idéologies. Un médecin charlatan utilise la peur de la maladie pour organiser la société et diriger les individus. Il déploie les pouvoirs de manipulation du langage et de la science pour soumettre des villageois à son idéal médical totalitaire. On peut transposer : un homme politique utilise la peur des étrangers pour prendre le pouvoir, organiser la société et diriger les individus…
Le sens de l’œuvre
Jules Romain écrit cette pièce de théâtre au début des années 1920, c’est-à-dire à une époque où la société d’aujourd’hui commence à se dessiner ; celle où la crainte de mourir de faim cède le pas à des peurs moins ancestrales.
Il s’agit de créer d’autres peurs que l’apocalypse ou la famine et la médecine saura se tailler la part du lion dans ce faisceau de craintes. (Combien de laboratoires biomédicaux dans les plus grosses entreprises cotées en bourse à l’heure actuelle ?)
L’auteur sait avec beaucoup d’humour proposer une réflexion philosophique sur un sujet de société — le marché de la peur — la commercialisation du risque.
Le spectateur reconnaîtra au passage de nombreuses trouvailles commerciales actuellement en vigueur (achat d’une extension de garantie, test complémentaire, assurance spéciale, etc.).
Le capitalisme marchand ne cherche-t-il pas à toujours créer de nouvelles peurs pour les mieux commercialiser ? (Bug de l’an 2000, grippe aviaire, hameçonnage à l’insécurité, réchauffement climatique, H1N1, le fameux « principe de précaution »…) ? Favorable au Front populaire Jules Romain avait dû s’exiler pendant la guerre, à son retour, il fut considéré comme un visionnaire par sa dénonciation des abus d’un système dans lequel la recherche du profit et du chiffre l’emporte sur l’humain et la fraternité.
Son œuvre n’a pas pris une seule ride. Les manipulateurs d’angoisse et les marchands d’espérances sont toujours aux aguets !
Une vision burlesque
Cet été, l’œuvre a été donnée avec succès par la Compagnie amateur des Tragos dans une version burlesque et haute en couleurs les 8, 23 et 31 juillet puis le 10 août à 21h30. Elle est proposée pour la dernière fois le dimanche 28 août à 21h.
Il ne faut pas la manquer.
festival@tragos.fr tel 04 94 64 33 55. L’accès au festival se fait par un petit chemin depuis le parking de la plage de Pardigon à Cavalaire.