Akram Khan la danse comme aide-mémoire
Mardi 18 janvier 20h 30 théâtre de l’Esplanade de Draguignan Chotto Xenos un spectacle de danse contemporaine d’Akram Khan. À voir.
Entre Orient et Occident
L’un des chorégraphes les plus appréciés de sa génération, Akram Khan est né à Londres en 1974, dans une famille originaire du Bangladesh. Il commence à danser à l’âge de sept ans et étudie avec le grand danseur et professeur de kathak Sri Pratap Pawar, dont il deviendra plus tard le disciple. Il fait ses débuts sur scène à 14 ans dans le légendaire Mahabharata de Peter Brook, participe à la tournée mondiale de la pièce de 1989 à 1997 et à sa version télévisée en 1988. Après des études en danse contemporaine et une période consacrée au projet X-Group d’Anne Teresa De Keersmaeker, à Bruxelles, il présente ses premières œuvres en solo à la fin des années 1990 ; il y respecte son engagement envers le répertoire du kathak classique tout en avançant dans la modernité.
De nos jours Akram Khan explore les soubresauts et l’absurdité de la guerre, ses répercussions sur l’humanité, dans un spectacle à hauteur d’homme et d’enfant. Ni leçon d’histoire ni discours moralisateur, Chotto Xenos est un hommage à tous les soldats dont l’Histoire a occulté l’existence.
Un hommage aux troupes coloniales britanniques.
Après Outwitting the Devil, une pièce pour six danseurs dans laquelle il revisite les mythes fondateurs de l’humanité à partir d’un texte, découvert en 2015, qui relate un nouvel épisode de l’épopée de Gilgamesh, roi d’Uruk, le chorégraphe s’adresse aujourd’hui au public avec cette nouvelle création chorégraphique. Dans un décor de cordes tendues éclairées par les projections de Lucy Cash, Akram Khan est à la fois danseur et acteur sans paroles qui évoque, par la force de son expressivité et sa virtuosité, un guerrier et un héros aux multiples facettes. Incarnation saisissante du sacrifice des 800 000 combattants indiens arrachés à leur vie sociale et familiale par l’Empire britannique, envoyés dans l’enfer des tranchées de la guerre de 1914-1918 en Europe ou au Moyen-Orient.
Poignant et magistral
Compréhensible par tous grâce à l’ingénieuse mise en scène de Sue Buckmaster, la pièce fourmille de belles trouvailles, comme la séquence d’ouverture où des mains filmées en gros plan s’ouvrent pour laisser apparaître le danseur en chair et en os. Ce solo de l’artiste Anglo-bengladais sera sans doute perçu à Draguignan comme un moment de pure splendeur.
En 2018, Akram Khan créait Xenos où il incarnait la vie de combattants indiens envoyés par les colons britanniques dans l’enfer des tranchées de la Première Guerre mondiale. Rendant ainsi un hommage à des milliers de soldats sacrifiés dont l’histoire a occulté l’existence. Chotto Xenos, est une extension de cette pièce élaborée avec la complicité de Sue Buckmaster qui invite les spectateurs à réfléchir sur le colonialisme, l’absurdité des guerres et leurs répercussions sur l’humanité.
Un héros aux multiples facettes
Sue Buckmaster, venue du théâtre et de la marionnette, fait de ce guerrier mythique un héros aux multiples facettes. Combattant, une arme invisible entre les mains, ou pantin comme traqué sous un dédale de racines…
Lorsqu’il se met au garde à vous aux côtés d’images de soldats perdus comme lui dans cette Première des colonies (anglaises notamment) dans ce conflit. Beaucoup n’en reviendront jamais. Les anglais ont eu aussi leurs tirailleurs sénégalais tombés dans les boues de la bataille de la Somme…
Chotto Xenos se veut non pas une leçon d’histoire, mais un hommage à ces oubliés des livres scolaires. Le spectacle simplifie l’action pour la rendre compréhensible. La danse aide-mémoire pour accéder à la prise de conscience. Une belle soirée en perspective. On dit souvent que la jeunesse actuelle a vu son niveau scolaire baissé ; je ne sais ; en tout cas une chose est sûre, nos jeunes lycéens semblent moins sensibles aux idéologies et aux embrigadements. Les millions de morts des deux guerres mondiales les ont-ils vaccinés contre la tentation du nationalisme belliqueux ? Chotto Xenos est une forme de réponse à ce questionnement essentiel.
Mardi 18 janvier 20h 30 théâtre de l’Esplanade de Draguignan infos 04 94 50 59 59
Jean François Principiano