Fête du Livre du Var : Voyage au bout de la lecture
By TV83.info -Nov 22, 2021
Installé place d’Armes le grand chapiteau ressemblait dimanche après-midi à un vaisseau battu par la pluie. Trois jours 19,20 et 21 novembre de rencontres avec les auteurs et les libraires du Var. Organisé par le Département et auto proclamé le « plus grand événement littéraire varois de l’année. ». Visite.
Impressions de voyage
Serrés les uns contre les autres comme dans les cales d’un navire négrier, les auteurs arborent tous la cordelette violette et les sourires épanouis devant leurs ouvrages respectifs. Reconnaissons que le rituel de ce rassemblement est le prix de la notoriété mais aussi du bonheur d’être édité. L’événement a une allure sympathique (bien sécurisé, belles lumières, grand déploiement de banderoles, omniprésence de la musique d’ambiance, nombreux forums participatifs, subtils micro-coursive, fréquentes interviews, ateliers divers et variés, lectures immersives). Soulignons la qualité de l’accueil des nombreuses hôtesses distribuant des crayons jaunes aux armoiries du département. Un vrai conte de fées.
Importance des stands de BD
Phénomène sans doute généralisé, la place de la BD dans la lecture des jeunes se confirme (près de 30% du marché des livres pour la jeunesse). Parfois les albums sont simplement représentés par les éditeurs. Empilés sur les stands ils attendent. Personnages en quête d’auteurs. Beaucoup de dessinateurs se plient à la dédicace sympa. Dans le sac généreusement fourni, les enfants repartent fièrement avec leur BD et un joli dessin dédicacé en prime. Il n’en reste pas moins que le lien devient exclusivement commercial. Comme dit un parent « il ne manque plus que le père Noël pour inciter à l’achat ! ».
Les « grands » entretiens.
Parmi les auteurs présents et malgré quelques défections, beaucoup ont participé aux ateliers et aux « grands entretiens ». Sans mauvais esprit, disons que malgré les bonnes volontés culturelles des animateurs désignés, ça se limite, au passage de pommade obligé où pire aux anecdotes futiles « comme-je-l ’écris-dans-mon-bouquin ». Par exemple le sympathique Marc Jolivet explique dimanche à 16h45 comment sa mère a été harcelée par Robert Lamoureux. Plus intéressantes les lectures immersives de Frédéric Garbe sur « Mort aux Girafes » de Pierre Demarty, roman exercice de style, écrit en une seule phrase.
L’Empire de Charlemagne
Côté petits libraires on a retrouvé avec plaisir la pléiade des distributeurs. La Librairie Périclès, les Lettres d’Hélène, la joie de lire, lo Païs, Mille paresses, le Carré des mots, la Librairie de Cogolin, la Soupe de France, Falba, Contrebandes, la soupe de l’Espace et le Bateau Blanc. On a pu vérifier également l’extension territoriale de l’Empire de Charlemagne. Toulon, Hyères, Fréjus, La Seyne, Saint Cyr, La Valette, Six Fours…L’Empereur des Francs se taille la part du lion avec les dernières publications nationales ou les « phares » locaux, sans compter le quasi-monopole de la vente des livres scolaires.
Daniel Picouly donneur de leçons
Lors de la séance d’inauguration vendredi vers 11h 30 j’ai écouté avec plaisir Daniel Picouly, président désigné de l’édition 2021 présenter son dernier livre au beau titre proustien « Longtemps je me suis couché de bonheur ». Cependant j’ai été étonné de l’entendre évoquer l’époque frontiste de Toulon avec un certain mépris pour les Toulonnais. Je rappelle, en précisant que je n’ai aucune affinité avec le Front National de l’époque, que l’élection à la mairie en 1995 a été acquise légalement par le vote de 37% des électeurs lors d’une triangulaire et que cette victoire a été largement facilitée par des errements lors des années qui l’ont précédé.
Rencontres
En flânant j’ai retrouvé quelques plumes non négligeables qui auraient pu avoir droit, elles aussi, aux « rencontres forum ». Ainsi Jean Pierre Bonicco journaliste d’investigation, grand reporter qui présentait le livre collectif des anciens journalistes de Var Matin « Mémoires d’Outre-Var ». Il est l’auteur, par ailleurs, d’un livre remarquable sur « L’Affaire Yann Piat ». Dominique Marcoux qui présentait ses deux petits derniers « le Plumier d’Ivoire » et le « Secret de Porquerolles ». Philippe Granarolo spécialiste de Nietzsche et auteur d’un roman de circonstance « le Covid de l’apocalypse », ou encore André Neyton comédien et metteur en scène qui dans « Il fallait être fou » décrit avec saveur et style son parcours. Laurence Lieutaud auteure de Ravissement son premier roman publié chez Grasset qui traite d’une façon originale du thème de l’emprise.
Pour mémoire
Il est juste de saluer cette initiative du département qui s’inscrit dans l’évolution de la place de la lecture dans notre société. Une évolution plus mercantiliste qu’élitiste. Peut-être faudra-t-il améliorer quelques détails de logistique et favoriser davantage les auteurs trop souvent encore instrumentalisés par les éditeurs et les intermédiaires de la distribution. En ce sens nous sommes loin de l’initiative de Laurent di Gennaro qui créa la première Fête du Livre à Toulon en 1982 Place de la Liberté et dont l’invité était Lucien Bodard qui venait d’avoir le prix Goncourt (1981) avec Anne-Marie.
En ce temps-là, la priorité était encore au dialogue sans filtre avec les auteurs. Di Gennaro poursuivit l’aventure heureuse jusqu’en 1993, deux ans avant l’élection de Jean-Marie Le Chevalier. Déjà le vent changeait de bord et le vaisseau amiral tanguait. Mais ne remuons pas le passé. Faisons plutôt confiance à Marc Giraud ce grand ami de la culture pour redresser la barre.
Jean-François Principiano