Crise dans l’Église catholique du Var : Ça grenouille dans les bénitiers !
Depuis plusieurs années les catholiques du Var manifestent une intense activité associative publique et une remarquable vie associative communautaire autour des paroisses des cités historiques du département, Fréjus, Toulon, Draguignan, Brignoles, Saint Maximin, Hyères ou même La Seyne ou La Garde, jadis bastions communistes. Le journal La Croix a eu souvent l’occasion de souligner cette fermentation et ces engagements dans l’ensemble dignes d’estime pour la défense des valeurs évangéliques universelles.
Une nébuleuse spiritualo-politique
Mais depuis deux ans nombreuses associations communautaires ont pris un virage franchement à droite et parfois même un peu extrême. L’évêque de Fréjus-Toulon Mgr Dominique Rey, homme intelligent et cultivé mais dont les sympathies politiques sont connues de tous, a laissé plus ou moins filer la ligne de cette dérive, accompagnant le courant de l’œil paternel du bon pasteur.
Mal lui en prit ! Par je ne sais quel circuit, le Vatican à Rome a eu vent des exploits associatifs communautaires des paroissiens varois qui, l’hiver dernier étaient devenus une véritable nébuleuse d’agitation à base teologico politique autour de plus de 70 communautés dont 35 hébergées dans le département. Comment expliquer objectivement cette effervescence et cette fébrilité ? Paradoxalement les catholiques impliqués ou spectateurs de ce formidable revival spiritualo-politique s’expliquent sans complexe. Nous les avons rencontrés.
Une église varoise pléthorique
L’église varoise, compte actuellement 255 prêtres pour un million d’habitants – contre 488 à Paris. C’est énorme et disproportionné. C’est aussi très couteux malgré la richesse de cette église en biens immobiliers spéculatifs. Déplacée de Fréjus à Toulon en 1958, la résidence de l’évêque du Var est une splendide villa, engloutie dans un jardin luxuriant. Il faut passer par une avalanche de fleurs, de palmiers et de buissons pour accéder au château où Dominique Rey, 69 ans, administre son diocèse depuis 2000 d’une main de fer. Une main qu’il a toujours voulu étendre vers le monde politique et les médias. C’est de là qu’émet la station radio RCF Var un média pluricultuel d’indéniable qualité. La Vidéo jointe « Chercher le bien commun » qu’il a enregistré au moment des élections permet de mieux saisir sont Point de vue.
L’archevêque de Marseille envoyé de Rome
Intriguée par cette extraordinaire spécificité Varoise qui détient depuis trois ans le record absolu du nombre d’ordinations de prêtres en France et du nombre d’accueil de communautés, l’Osservatoro romano a décidé de diligenter une enquête discrète que l’on appelle dans le jargon romain « l’inchiesta preparatoria ». À la suite de laquelle le Vatican a ordonné au début de l’été au diocèse de Fréjus-Toulon de surseoir à ses ordinations de prêtres et de diacres en vue du sacerdoce jusqu’à nouvel ordre.
C’est une décision très rare, un coup de tonnerre dans ce diocèse fécond en vocations sacerdotales, dynamisme qui suscite d’ailleurs depuis plusieurs années des interrogations, voire certaines critiques.
Rome a pris cette décision à la suite d’une visite « fraternelle » de l’archevêque de Marseille Jean-Marc Aveline, métropolitain de la province dont dépend Toulon. Selon nos informations, l’archevêque aurait « relevé plusieurs points posant question sur la formation et le discernement des candidats du séminaire de la Castille ». Un séminaire du diocèse particulièrement productif en termes de vocations sacerdotales. En 2021, quinze nouveaux prêtres, huit diacres en vue du sacerdoce et diacres permanents du diocèse avaient été ordonnés (dont sept prêtres formés au séminaire de la Castille).
Chaque année les ordinations de prêtres sont l’occasion de véritables cérémonies spectaculaires attirant les foules à Saint Maximin notamment. Ce qu’encourage la revue Valeurs Actuelles déclarant que « le Var est devenu une terre de conversion des musulmans. Un nombre croissant de musulmans se convertissent au catholicisme dans le Var. Plus qu’un phénomène silencieux, propre au territoire, une tendance lourde qui dépasse ses frontières. » Bref le Var est devenu une véritable fabrique à curés ! Mieux que l’Aveyron ! Clemenceau doit se retourner dans sa tombe, lui qui disait « ce que j’aime dans le Var c’est que la religion n’y a plus d’importance politique… »
Le Var terre d’accueil des traditionnalistes
La visite de Jean-Marc Aveline a également soulevé la problématique – déjà régulièrement pointée du doigt par des observateurs ces dernières années – de l’accueil à Toulon de communautés nouvelles et de jeunes associations publiques venant de diocèses extérieurs qui ont été refusées pour cause d’hypertraditionnalisme. D’autant plus que de nombreux prêtres avaient dénoncé ce coup de barre à droite depuis plusieurs années, notamment au Séminaire de la Castille surnommé par certains un « séminaire de fachos ». « Rome a bien fait de reprendre la main dans le sens de l’évolution voulue par le Pape François » affirment-ils.
Le fond du problème est politique
En fait Rome n’a pas encaissé la participation de Marion Maréchal, invitée à prendre la parole en tant que catholique lors d’une rencontre il y a quelques années organisée par des représentants de l’Église du Var, dont l’évêque Mgr Dominique Rey. C’était la première fois qu’un élu de premier plan issu du Front national tenait une conférence dont le thème était « Médias et vérité : La vérité vous rendra libres. (Jean 8, 32) lors d’une rencontre mise en place par l’Église et en présence d’un évêque. Jusqu’alors, les Universités d’été de la Sainte-Baume, n’avaient invité que des députés catholiques, plus ou moins influents, issus des Républicains. On le sait l’histoire l’a prouvé, les Papes ont la mémoire longue ! Hors de l’Église point de salut !
La politique officielle du catholicisme romain.
Pour des raisons purement esthétiques et journalistique je suis abonné au journal La Croix ; sur le plan éditorial c’est sans doute un des quotidiens les mieux écrits actuellement. Mais parfois je me demande avec plaisir si je ne suis pas en train de lire l’Humanité ! Les thèses du Vatican sont diamétralement opposées aux valeurs défendues par la droite européenne : aucun nostalgisme colonial, aucune défense des riches possédants, condamnation systématique du capitalisme libéral qui épuise la nature et les hommes, condamnation de toutes les thèses frontistes, soutien aux migrants, aux étrangers, aux catholiques homosexuels, dénonciation sans appel des abus dans l’église, engagement social total, féminisme frénétique etc…etc…Même ligne rédactionnelle, plus ou moins pour l’Édition Française de l’Osservatore Romano, la Vie, Témoignage Chrétien. Non ce que le Vatican et le Pape François actuel déclarent vouloir c’est un retour sincère aux idéaux de fraternité. Déclarations de foi fort louables bien sûr ! L’Enfer comme le Paradis sont pavés de bonnes déclarations.
Le Var catholique se soumet à Rome
Actuellement c’est donc le statut quo avant l’orage. En conclusion l’injonctio mentis du Vatican a été appliquée à la lettre. Le clergé varois s’est courbé devant Rome. La ligne progressiste romaine l’a emporté sur les dérives traditionalistes varoises.
« La permaculture ecclésiale a toujours été une spécialité du diocèse », commente Gilles Rebêche, Délégué épiscopal à la solidarité promu récemment chevalier de la Légion d’honneur qui, lui, penche nettement vers un autre engagement. Il dit : « Je veux, à travers cette distinction, que les sans-abri, les sans-papiers, les sans-emploi et les sans-respect soient mis à l’honneur car ils sont le socle de notre engagement à bâtir un monde fraternel avec les plus fragiles. » Plus ultramontain que ça tu meurs ! en odeur de sainteté !
Jean François Principiano
Sources : La Croix, Osservatore Romano édition française, La Vie.