Opéra de Toulon : l’Heure Espagnole de Ravel, un bijou musical réglé comme une horloge suisse.
Est-ce en pensant à sa double ascendance, ibérique par sa mère et suisse par son père, que Maurice Ravel donna vie à cette partition élégante et raffinée, à l’orchestration translucide et à la malice espiègle ? L’Heure espagnole créée en 1911 sur le livret de Franc-Nohain est un délicieux chef d’œuvre de la musique française. La soirée de samedi, en tout point réussie, est là pour l’attester. C’était la première représentation à l’Opéra de Toulon. Un événement donc.
Accueil enthousiaste…
Le public conquis a accueilli la production venue de Lyon avec plaisir et enthousiasme.
En Soixante minutes tout était dit, la limpidité de l’orchestre ravélien bien restituée par les différents pupitres toulonnais ; la précision au rasoir de la mise en scène sertie dans une drapure féérique de projections vidéo rappelant les premiers dessins animés en noir et blanc ; les costumes animaliers soulignant la caractérisation des personnages, la petite chatte coquine, le vieux chat trottinant, le matou amoureux, jeune minet poète transi aux oreilles frémissantes, le muletier déménageur empressé et le financier gros chat ventripotent. Tout cela servi par un rythme trépidant et des jeux de lumières appropriés.
…pour un travail collectif…
Le spectacle allie la justesse de l’inspiration et la finesse de l’interprétation grâce à la jeunesse vocale des chanteurs-comédiens. Excellente Florence Losseau en brûlante Conception, Etienne de Bénazé en Torquemada madré, Raoul Steffani en Ramiro bien crédible qui « s’il n’a pas de conversation a du répondant ». Grégoire Mour incarne un Gonzalve rêveur à la jolie voix de ténor léger et enfin Christian Andréas un Don Gomez financier amoureux pathétique.
Mention toute spéciale pour la mise en scène de l’anglais James Bonas et l’accompagnement vidéo de Grégoire Pont avec les décors et costumes de Thibaut Vancraennenbroeck ; sans oublier le travail de précision helvétique du chef italien Valerio Galli nouveau co-directeur musical de l’Opéra de Toulon.
…de la part du public toulonnais.
Cette réussite honore donc la direction de l’Opéra de Toulon son directeur général et artistique Claude Henri Bonnet et Jérôme Gay directeur adjoint, co directeur artistique.
Elle témoigne aussi de l’évolution des goûts du public varois. Il y a déjà presque cinquante ans, lorsque sous le nom de Guy Verdier j’étais chargé de la chronique musicale de Var Matin République, même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais imaginer voir un jour sur la scène de l’Opéra l’Heure Espagnole aussi bien montée. Cette musique française si claire, en contraste complet avec le bel canto traditionnel italien, n’avait pas encore conquis sa place dans le cœur des amateurs de lyrique. Désormais à Toulon c’est chose faite.
L’œuvre sera redonnée ce dimanche 21 novembre à 14h 30. Il faut s’y précipiter.
Jean-François Principiano
crédit photo Michel Cavalca