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MEMOI'ARTS

LES MEMOIRES ET LEURS REPRESENTATIONS

1926-2016

conférence lecture

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L'Histoire du Bagne de Toulon

Pourquoi punir?

 

origines et caractéristiques

Conférence à deux voix par Jean François Principiano Historien

et André Neyton Comedien et Metteur en scéne

à L'espace Comedia de Toulon

Réflexion sur le livre de Cesar Beccaria "Des délits et des peines"

Histoire

Le roi Henri IV transféra à Toulon l'escadre de galères, basée jusque là à Fréjus, et fit creuser une darse de 15 hectares, le Darse Vielle, construit entre 1589 et 1640 . Sous Louis XIV , le ministre Colbert décida, que le commerce sera donné à Marseille et que Toulon deviendra un port de guerre. L'ingénieur Sébastien Le Prestre de Vauban créa la Darse Neuve. Construit entre 1679 et 1685 , celle-là a 20 hectares. Ainsi, Toulon devient le port d'attache des galères royales.

Louis XIV voulut reconstruire la flotte royale pour avoir un corps de galères. Mais il y avait donc le problème des rameurs. Colbert, pour résoudre à ce problème, ordonna qu'on applique le plus souvent la peine des galères, jusqu'alors seulement appliqué en temps de guerre : Sa majesté désirant rétablir le corps de ses galères et en fortifier la chiourme par tous les moyens, son intention est que vous teniez la main à ce que votre compagnie y condamne le plus grand nombre de coupables qu'il se pourra, et que l'on convertisse même la peine de mort en celle des galères. Pour un siècle, il suffisait d'avoir la "mauvaise gueule" pour se retrouver sur les galères. On condamna à trois, six, neuf, vingt ans ou à perpétuité. Mais, même des hommes condamnés à temps n'étaient pas libéré après avoir purgé leur peine. Quand on recommença d'utiliser des canons, les galères n'étaient plus usées, comme elles ne pouvaient être armées qu'en poupe et proue. C'est le 27 septembre 1748 que Louis XV ordonna que la peine des galères serait substituée par celle des fers. C'était la fin des galères. Comme Toulon était le port d'attache, on y construit la même année le premier bagne . Le nom vient de l'italien bagno , le nom d'une ancienne prison d'esclaves. On logea les forçats sur les anciennes galères démâtées, les bagnes flottants . On employa maintenant les forçats dans les travails les plus pénibles : Sur le port, dans l'arsenal, dans la corderie ou dans les carrières de pierres.

Les bagnes métropolitains restaient en usage jusqu'au milieu du 19ème siècle. A ce temps, il y avait plus de 6000 forçats (ils étaient encore 11000 en 1846 ), les forçats prenaient le travail aux ouvriers honnêtes et on les considéra trop dangereux. En 1851 , Napoléon III ordonna la création des bagnes coloniaux . On commença la déportation des forçats pour la Guyane française , le 27 mars 1852 avec 298 condamnés extraits des bagnes de Rochefort et de Brest . Peu à peu, les bagnes métropolitains fermaient. Toulon sera le dernier, qui ferma ses portes, en 1873 .

La vie des forçats au bagne

Les forçats arrivèrent enchaîné par le cou, en groupes de 24, les cordons , sur des haquets.Arrivé, ils étaient tondus, vêtus d'une casaque de laine rouge, un gilet de laine rouge, une chemise de toile blanche, un pantalon de toile de toile jaune et un paire de souliers ferrés sans bas. Il portèrent aussi un bonnet de laine, dont le couleur indiquait la durée de la condamnation : Le bonnet rouge pour les condamnés à temps et le bonnet vert pour les condamnés à perpétuité. Une plaquette de fer-blanc, porté sur la casaque, le gilet et le bonnet, portait le matricule du condamné. Ceux qui travaillaient dehors recevaient aussi une une vareuse de laine grise.Les forçats couchaient sur des grands bancs de bois, au bout desquels se trouvaient des anneaux de fer, où un les enchaîna pendant la nuit. On n'accorda des couvertures ou des matelas aux forçats de bonne conduite. Les salles n'étaient chauffés que pendant les plus froids mois de l'hiver.

La nourriture des forçats se composait de pain noir, de fèves, de légumes secs et, les jours des travaux, de viande et de vin. Il était permis aux forçats de s'acheter des rations supplémentaires.

Les forçats travaillaient à des taches différentes. Le travail était divisé entre Grande Fatigue et Petite Fatigue . La Grande Fatigue contenait le travail sur le port, dans l'arsenal, la corderie, aux fourgons, dans les ateliers de serrurerie ou les carrières. Une lettre sur la casaque indiquait le lieu de travail. Un forçat de bonne conduite, pouvait travailler à la Petite Fatigue : dans l'hôpital, dans la cuisine ou, s'il savait lire, dans quelque bureau du bagne.

Les forçats se levèrent l'hiver à six heures, l'été à cinq heurs, les travails commençaient une heure plus tard. Ils travaillèrent jusqu'à douze heures ; à douze heures, ils retournèrent dans leur salle pour y manger. Ils reprirent le travail à une heure. Ils travaillèrent l'hiver jusqu'à huit heures, l'été jusqu'à neuf heures. Après, ils mangèrent et se couchèrent.

Les lois du bagne étaient strictes. Victor Hugo les résume pendant sa deuxième visite au bagne de Toulon ainsi : Rébellion, meurtre sur un camarade ou tout autre, coups à un supérieur (depuis l'argousin jusqu'à l'amiral, depuis le mendiant jusqu'au pair de France) : la mort - Évasion ou la tentative, coups à un camarde, injures à un supérieur, vol au-dessus de cinq francs etc. : 3 ans de prolongation de peine ou trois ans de double chaîne - Jurer, chanter, refus d'obéir, refus de travail, ne pas se découvrir devant un supérieur (c'est-à-dire devant quiconque passe) etc. : Cachot ou la bastonnade. (Victor Hugo, Choses vues, Toulon, 1839) Mettre un forçat à la double chaîne, signifiait enchaîner le forçat dans une salle séparé, la salle de la double chaîne, au bout de sa banc avec une chaîne, qui pesa double de la chaîne normale. Le forçat ne sortait jamais, avant qu'il n'ait purgé sa punition. Le cachot était une cellule étroite, longue de deux mètres, contenant un banc de bois, un seau et une cruche, sans fenêtre, excepté un guichet dans la porte. La bastonnade était appliquée devant toute la chiourme. Le condamné était couché à plat ventre, torse nu, sur le coursier. Quatre forçats devaient le tenir par les bras et les jambes pour l'empêcher de se combattre. Un cinquième devait appliquer la bastonnade, quinze à soixante coups, avec une corde goudronnée. Après la bastonnade, le condamné passait de fois en fois quelque temps à l'hôpital, suite aux blessures. Une autre punition disciplinaire était le boulet au pied.

Changements pendant l'existence du bagne de Toulon

En 1810, le Code pénal impérial français entra en vigeur . Il comporta aussi deux articles concernant le bagne. L'article 22 ordonna : " Quiconque aura été condamné à l'une des peines des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés à temps ou de la réclusion, avant de subir sa peine, demeurera une heure exposé au regards du peuple sur la place publique. Au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractère gros et lisibles, ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation. " Aussi ordonna-t-il, que tout condamné sera, après l'exposition, flétri sur l'épaule droite, selon la nature de sa condamnation : TF pour travaux forcés ou TFP pour travaux forcés à perpétuité.

Le 9 décembre 1836 , Louis-Philippe ordonna que les forçats seront transportés vers les bagnes dans des fourgons cellulaires, autant de n'être plus exposés aux regards de la foule. La même ordonnance porta la suppression des fers et des boulets.

Le 12 avril 1848 , le gouvernement provisoire abolit la peine de l'exposition publique et de la flétrissure

Forçats célébres

Eugène-François Vidocq passa quelque temps au bagne de Toulon, après s'être évadé du bagne de Brest. Aussi l'imposteur Coignard , connu aussi sous le nom de comte de Sainte-Hélène, mourra au bagne de Toulon. Plusieurs personnages imaginés passèrent quelques années à Toulon : Le plus connu d'entre eux est sans doute Jean Valjean , du roman Les Misérables de Victor Hugo . En plus, il y avait Vautrin , du livre Le Père Goriot ( Honoré de Balzac ), Gaspard Caderousse et Benedetto / Andrea Cavalcanti , tous deux du roman Le Comte de Monte-Cristo , d' Alexandre Dumas, père 

 


 

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CESAR BECCARIA

DES DELITS ET DES PEINES

esare Beccaria jouit, en 1766, d'une notoriété certaine auprès de l'élite intellectuelle européenne. Deux ans auparavant, ce jeune Milanais réussissait dans son traitéDei Delitti e delle pene (« Des délits & des peines ») à synthétiser les critiques (parfois anciennes) dirigées contre un système pénal périmé & proposait en quelques pages un nouvel ordre juridique en rupture avec la tradition médiévale.

La critique de Beccaria, centrée sur les aspects de la procédure criminelle devenus les plus étrangers à la mentalité du XVIIIe siècle, frappe d'autant plus juste qu'elle suscite l'émotion du public.

Sont ainsi dénoncés le recours à la torture comme moyen d'instruction, la cruauté disproportionnée des châtiments à commencer par la peine capitale, l'arbitraire des juges dans la détermination des peines, l'inégalité de traitement des condamnés selon leur rang social, etc.

© Éditions du Boucher

Ces critiques ne sont pas neuves - dans les Caractères, La Bruyère définissait déjà la question comme « une invention merveilleuse & tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible & sauver un coupable qui est né robuste » -, mais elles prennent ici plus de poids car Beccaria se réclame d'une logique radicalement nouvelle.

En effet, la rupture opérée par Beccaria consiste en une laïcisation du droit pénal qu'il revendique dès son introduction : le droit de punir doit être envisagé abstraction faite de toute considération religieuse ou morale, & ne peut se fonder que sur la seule utilité sociale.

De ces prémisses découlent un certain nombre de principes que reprendront vingt-cinq ans plus tard les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme & du citoyen : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5) ; « Nul ne peut être arrêté, accusé ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, & selon les formes qu'elle a prescrites » (art. 7) ; « La loi ne doit établir que des peines strictement & évidemment nécessaires, & nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie & promulguée antérieurement au délit, & légalement appliquée » (art. 8) ; « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » (art. 9)

© Éditions du Boucher

Ce sont les principes mêmes qui constituent les fondements théoriques du droit pénal moderne.

Beccaria n'est cependant pas toujours un visionnaire inspiré. Des délits & des peines est l'œuvre d'un homme encore jeune & dépourvu d'expérience en matière judiciaire, non exempt d'une certaine rigidité intellectuelle.

Tout à son acharnement à dénoncer l'arbitraire judiciaire, il préconise la mise en œuvre d'un système de peines fixes, ne laissant aucune marge d'appréciation au juge & garantissant une stricte égalité entre les condamnés, ainsi que l'abolition du droit de grâce, autre manifestation de l'arbitraire.

En France, ces préconisations furent intégralement reprises par les Constituants de 1789, pour être abandonnées dès le début du Consulat car elles s'étaient vite avérées impraticables. Il fallut cependant attendre la loi du 28 avril 1832 pour que l'application des circonstances atténuantes soit généralisée à l'ensemble des infractions prévues par le Code pénal, inaugurant ainsi une tendance ininterrompue à l'individualisation des peines.

Le postulat de l'utilité sociale, fondement unique du droit de punir, ne semble pas non plus inciter Beccaria à se préoccuper outre mesure de la réhabilitation des condamnés. Certains passages pourraient même laisser croire qu'il attribue encore à la peine une fonction de dissuasion (justifiant le maintien de peines corporelles autres que la peine de mort, mais sans préciser lesquelles) plus que de rééducation du condamné.

Il est facile de juger les insuffisances d'une œuvre avec le recul du temps. En 1764, Beccaria était en avance sur son siècle : ainsi que le lui écrivait Voltaire le 30 mai 1768, « les juges du chevalier de La Barre (...) ont puni d'une mort épouvantable, précédée de la torture, ce qui ne méritait que six mois de prison. Ils ont commis un crime juridique ».

Dénoncer de tels crimes & proposer des réformes qui empêchent qu'ils ne se reproduisent, tel est le combat que menèrent, chacun à leur manière, Beccaria & Voltaire. C'était pour l'époque un objectif ambitieux.

© Éditions du Boucher

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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