Mozart a empoisonné la vie de Salieri !
Franc succès pour la seconde soirée symphonique à l’opéra de Toulon
Ce concert avait une saveur particulière puisqu’il était nommé Mozart et Salieri faisant allusion au soi-disant empoisonnement du pauvre Mozart par son vieux rival Antonio Salieri. En 1830 le Poète russe Pouchkine dans une ébauche de tragédie en avait fait un petit poème dramatique que Rimski Korsakov en 1897 a mis en musique.
Une œuvre symbolique
S’agissant de la version lyrique de l’œuvre, Rimski-Korsakov non seulement l’assume, mais plus encore la revendique comme une profession de foi esthétique. La voix de ténor représente la modernité de l’occident, la voix de basse la tradition slave « Ce croisement des influences s’est imposé presque à mon insu telle une clef de voute de mon inspiration » admet-il dans sa correspondance, lors de la création en un concert privé organisé par ses élèves. Par la suite il remaniera sa partition y ajoutant une citation chorale du Requiem de Mozart et confia le rôle de Salieri à Fiodor Chaliapine. Feodor Stravinski le père d’Igor en fit l’un de ses chevaux de bataille au Théâtre Mariinsky. Tiens tiens !…
Quel sens donner à ce rapprochement tangible entre le classicisme austro hongrois du concerto de Mozart joué en première partie et cet opéra de chambre ? La musique russe a toujours balancé entre l’Europe et le monde slave. Rimski-Korsakov, qui fut avant tout un grand pédagogue laisse le champ libre à cette part énigmatique de l’œuvre et offre à ceux qui l’interprètent comme à ceux qui la reçoivent toute liberté d’extrapolation.
Vincent le Texier splendide
Vendredi soir l’œuvre a été servie par deux protagonistes fortement impliqués et d’une grande efficacité, le baryton Vincent le Texier et le ténor Kevin Amiel. Un beau travail des Choeurs et de l’Orchestre de Toulon sous la direction soutenue de Pierre Bleuse et une interprétation pleine d’humour de la première violon super soliste Laurence Monti dans le violoneux.
Le public a donc vécu un beau moment de musique avec cette partition attachante, romantique hommage à Mozart avec ces à-la-manière de, son florilège de citations et son final tout en retenue sur le mystère de l’art. On a été surtout impressionné par Vincent Le Texier, artiste solide à la carrière admirable, campant ici avec un sens tragique, le désespoir de Salieri découvrant la facilité géniale de ce chenapan de Wolfi. Le ténor Kévin Amiel a été à la hauteur de son personnage malicieux laissant percer sous une belle projection vocale toute la mélancolie de l’artiste incompris.
Une version british du dernier concerto de Mozart
En première partie le dernier concerto pour piano de Mozart a été proposé dans des choix de tempi très personnels, une version très british du pianiste Paul Lewis dirigé avec fluidité par Pierre Bleuse qui se révèle ici être un bon chef d’orchestre à la gestique sobre et précise détaillant avec bonheur les trois mouvements de ce petit bijou du dernier Mozart.
Le présentateur Joel Nicod, toujours très apprécié du public toulonnais, a ajouté sa touche personnelle par la clarté synthétique de ses deux introductions aidant à décrypter cette soirée originale en évitant toutes redondances musicologiques.
Mozart n’a sans doute pas été tué par Salieri, ni par les francs-maçons, ni par un mari jaloux, ni par un élixir au mercure de Gottfried van Swieten, ni par la syphilis, ni par le covid etc…mais tout simplement il est mort d’épuisement. Pensons un peu, il a laissé en tout 41 symphonies, 27 concertos de piano, 5 concertos de violon, 27 arias, 23 quatuors pour cordes, 18 messes, 22 opéras, un merveilleux concerto pour clarinette et plus encore, ce qui représente de nos jours plus de 200 CD en seulement 35 ans d’existence ! …
Si pour les circonstances précises de sa mort un doute existe et existera toujours puisque son corps fut déposé à la fosse commune (comme le souhaitaient à l’époque les francs-maçons), ce qui est certain c’est qu’il a bien empoisonné la vie de Salieri et de toute la clique des pseudo créateurs prétentieux. Le génie dérange toujours les médiocres.
Jean François Principiano