Mystery Galaxy de Riccardo del Fra Musique pulsante des sphères
La soirée musicale du 11 février était donc consacrée à la création mondiale de la dernière composition du contrebassiste de jazz Riccardo del Fra intitulée Mystery Galaxy. L’Opéra de Toulon était bien rempli d’amateurs mélomanes des deux styles, classiques et jazz pour accueillir le compositeur italien venu avec son quintette, Matthieu Michel au bugle, Rémi Fox au sax, Paul Lay au piano et Ariel Tessier aux drums.
Après une première partie consacrée aux standards de Chet Baker dans les arrangements de Del Fra, accompagnés par l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon, sous la baguette de Léo Margue précis et attentif à l’homogénéité de l’ensemble, il s’approcha du micro pour préciser ses intentions esthétiques.
« Avec Mystery Galaxy, j’ai voulu essayer d’exprimer ce que l’indicible m’inspire, à travers une vision en parallèle – en miroir – de l’espace cosmique et de nos galaxies intérieures. Pour cette création j’ai réuni des musiciens remarquables dans le domaine du jazz et de l’improvisation, admirables par leur virtuosité, mais également par leur sensibilité et la profondeur de leur expressivité. J’ai composé cette œuvre pour l’excellent orchestre symphonique de Toulon. Toutes les sections cordes, bois, cuivres et percussions sont en constante interaction et dialoguent avec le quintette. Je remercie particulièrement Michaël Dian de l’Espace culturel de Chaillol dans les Hautes Alpes qui fut l’intermédiaire avec Jérôme Gay qui a programmé ce concert et commandé cette œuvre. »
Une partition sidérale
Mystery Galaxy s’est déployée sur une trentaine de minutes alternant les longues plages évoquant le mystère des espaces infinis, frôlant l’atonalisme, avec la pulsion rythmique d’une émulsion sonore au lyrisme incandescent.
La partition semble construite selon une structure cyclique permettant de laisser apparaître les cinq solistes du quintette l’un après l’autre, ce qui confère à la musique une dimension répétitive dont le ciment émotionnel est assuré par les cordes. Ainsi l’auditeur attentif est en quelque sorte immergé dans l’univers sonore du compositeur. Ajoutons que vers la fin, juste avant la péroraison, les tempi deviennent plus puissants, sur des rythmes métriques, en 4/4, ou 3/4. Le jeune chef Leo Margue particulièrement impliqué, a su maintenir magistralement le rythme de base, mais sans mètre régulier, avec accélérations et baisses subites, comme le souffle d’un vent cosmique irrégulier, les musiciens jouant sur des tempi différents.
L’impression générale fut celle d’un jazz d’avant-garde, réalisant une synthèse heureuse et non un placage artificiel entre les deux mondes musicaux. Les musiciens de l’orchestre ont eu aussi des rôles de solistes tout le long du voyage inter galactique. L’orchestration très soignée ne se contenta pas de doubler les cellules mélodiques par les cordes. Il reste encore une trace de la structure thème-improvisation-thème, mais la grille a disparu ce qui souligne la sensation d’apesanteur.
Par instants, les harmonies ne sont plus reconnaissables, et les improvisations sont en conséquence encadrées par la structure d’une grille harmonique mouvante.
Fortement applaudi pour sa vitalité créative et sa jeunesse d’inspiration, Riccardo del Fra, entouré de ses musiciens – la phalange toulonnaise servant d’écrin – fut longuement ovationné. Une onde de forces positives vibra encore lors du dernier bis concluant ce rayonnement galactique en véritable big bang sonore partagé.
Jean François Principiano