Un sac de billes La mémoire et sa représentation
C’est un choix judicieux que fait le Comedia et l’équipe d’André Neyton en accueillant mardi soir le spectacle théâtral de Freddy Viau inspiré du célèbre récit de Joseph Joffo,1931-2018, interprété par un excellent comédien James Groguelin et mis en scène par Stéphane Daurat. Traduit en 18 langues, le texte écrit avec l’aide de Claude Klotz c’est-à-dire Patrick Cauvin, publié en 1973, a connu un vif succès en librairie plus de 20 millions vingt millions d’exemplaires vendus dans le monde entier !
Une épopée dramatique
L’histoire se déroule entre 1941 et 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale, où deux jeunes frères juifs Maurice et Joseph doivent fuir à travers la France occupée par l’armée allemande. A Nice, Maurice et Joseph sympathisent avec des soldats italiens et réalisent avec eux quelques trafics. Les Italiens mènent alors une « politique » différente des Allemands et des Français : pas d’arrestation de Juifs en zone occupée par l’armée italienne. Mais le répit ne dure qu’un temps pour la famille Joffo. Le 8 septembre 1943, le maréchal Pietro Badoglio signe la capitulation italienne tandis que l’Italie du sud poursuit la guerre du côté des Alliés. La zone d’occupation italienne est envahie par les Allemands (déjà présents en zone libre depuis novembre 1942). La famille Joffo doit à nouveau se disperser…
Un hymne à l’espérance
La lecture de ce texte m’avait beaucoup touché en 1973 par la fluidité de l’écriture, la fraîcheur de la description des sentiments des deux enfants et surtout le côté épique, parfois même joyeux de leur épopée en ces années d’angoisse. Joseph Kessel avait pu dire à l’époque : « Parmi les témoignages sans nombre consacrés aux temps maudits, celui-là est unique, par la nature de l’expérience, l’émotion, la gaieté, la douleur enfantine. Et conté de telle manière que l’aventure saisit, entraîne, porte le lecteur de page en page et jusqu’à la dernière ligne. »
Sur le destin des enfants des familles déchirées
Le récit se termine par le retour de Joseph dans son quartier parisien. Il y retrouve sa mère et ses frères mais pas son père, qui ne reviendra pas de sa déportation au camp d’Auschwitz. Sans peser, avec une infini tendresse et malgré l’horreur, le récit interprété par James Groguelin incite à croire en l’humanité. Joseph conservera dans sa poche cette fameuse bille tout au long de son voyage. Cet humble objet devient le symbole de l’enfance perdue dans la tourmente des années noires. Il renvoie inévitablement à la situation actuelle des migrants et incite à nous interroger sur le destin de ces enfants et de ces familles déchirées.
Une théâtralisation réussie et un beau spectacle d’émotion à partager.
Mardi 11 octobre 20h 45 Un sac de Billes par la Cie Le Théâtre des Bonnes langues. Espace Comedia 10 rue Orvès Le Mourillon 83000 Toulon 04 94 42 71 01